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Namur. La tranchée ouverte, il n’avait pas cru devoir suivre par lui-même une opération dont le succès était certain, puisqu’il n’était plus disputé par personne. La direction du siège était laissée au comte de Clermont, qui s’en acquittait convenablement, n’ayant plus d’autre pensée que de témoigner (comme il l’écrivait lui-même à Paris-Duvernay) « qu’il ne ressemblait en rien-au prince de Conti, qu’il n’avait du prince du sang que le rang et la naissance, et non la hauteur où souvent cet état engage. » En attendant, le maréchal lui-même restait en face de la Meuse, aux environs de Tongres, empêchant par sa seule présence l’armée ennemie de tenter une seconde fois le passage du fleuve et l’obligeant, pour se rapprocher de la Hollande, de faire un long détour en suivant la rive droite. Cette surveillance, qui exigeait une vigilance de tous les instans, n’était pourtant pas un emploi suffisant pour son tempérament dévoré d’activité. Aussi, pour tromper l’ennui, n’avait-il pas manqué de mander à son camp Favart et sa troupe, dont il prenait soin d’organiser lui-même chaque jour les représentations du soir, faisant, par occasion, à la belle Chantilly une cour dont les plaisans s’amusaient et dont son mari commençait à s’alarmer. C’est pendant ces jours de repos, qui auraient été le travail d’un autre, qu’une lettre du ministre de Saxe à Versailles, le comte de Loos, vint l’informer que, le second mariage du dauphin faisant le sujet de toutes les conversations de la cour, le nom de la princesse saxonne avait été prononcé, et qu’un mot d’une bouche qui commandait le feu à plus de cent mille hommes aurait chance d’être écouté, même dans une affaire de famille[1].

L’avertissement n’eut pas besoin d’être donné deux fois pour que Maurice se décidât à se mettre en campagne. Une alliance qui le ferait entrer lui-même presque dans l’intérieur de la famille royale était, pour sa position personnelle (quelque grande qu’elle fût déjà, et le devînt plus encore chaque jour), un accroissement inespéré. Mais, outre ces visées d’ambition, qui ne le laissaient nullement indifférent, on a vu le prix qu’il attachait à maintenir la Saxe dans les liens d’une union avec la France, d’où dépendaient la neutralité de l’Allemagne et les libertés de ses propres opérations militaires. Mesurant, comme il l’eût fait sur le champ de bataille, les difficultés qu’il avait à vaincre, c’est à Dresde qu’il sentit d’abord la nécessité d’agir. Auguste ne pouvait manquer d’être flatté de la perspective de grandeur proposée à sa fille et il l’avait assez clairement laissé voir au comte de Loos. Mais, si une demande

  1. Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe, dauphine de France : lettres et documens inédits des archives de Dresde publiés par le comte de Vitzthum. Leipzig, 1807. — C’est ce recueil qui fait connaître la part prise par Maurice au mariage du dauphin, dont d’Argenson ne fait pas mention.