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de choisir leur traducteur et leur éditeur aux États-Unis, leur facilitera l’obtention de la juste rémunération qui leur est due. Si la loi n’a pas à s’ingérer dans les conventions qu’ils pourront conclure, elle en protégera l’exécution en les abritant contre les contrefacteurs de leurs œuvres.

Que cette adhésion des États-Unis aux principes posés par la convention de Berne entraîne, à bref délai, celle des autres républiques américaines, cela ne parait pas douteux. Sur ce terrain, elles suivront l’exemple de leur aînée d’autant plus volontiers que, si elles n’ont pas à en retirer les mêmes avantages ni à éviter les mêmes représailles, elles n’ont pas les mêmes intérêts à contester des droits incontestables, non plus qu’une pratique aussi longue et aussi fructueuse de la piraterie littéraire. Elles s’y essayaient, mais timidement, avec des hésitations qui dénotaient des scrupules et une courtoisie qui désarmait les victimes.

Est-ce à dire que cette convention de Berne[1], base de négociations offerte au cabinet de Washington, satisfasse, sinon toutes les exigences légitimes, du moins tous les désirs modérés ? Il s’en faut, et, tout en se félicitant avec raison des importans résultats obtenus, de l’adhésion de onze états, les chefs et les promoteurs de l’Association littéraire et artistique reconnaissent parfaitement ce qu’il y a encore d’incomplet dans cet acte international, dont certaines clauses sont inférieures, comme libéralisme, à des conventions antérieures mais particulières, alors que celle de Berne les unifiait moyennant des concessions nécessaires pour la mettre en harmonie avec les législations étrangères.

Les artistes en critiquent, non sans fondement, certaines dispositions et omissions. Ils lui reprochent de placer leurs éditeurs dans la nécessité ou de sacrifier leurs droits, à eux auteurs, en mettant en tête de leurs œuvres à l’étranger une mention autorisant l’exécution sans formalités préalables, ou de léser leurs intérêts, à eux éditeurs, en s’abstenant de cette mention qui nuirait à l’écoulement de leurs marchandises. Ils insistent aussi sur la difficulté, pour un auteur, de justifier de sa propriété du droit de représentation, posant en principe que c’est au contrefacteur à établir sa propriété, au directeur à prouver qu’il a acquis le droit de représentation. Ils réclament enfin la suppression de toute caution en matière de procédure pour la propriété intellectuelle, cas non prévu par la convention de Berne ; ils rappellent qu’il y a quelques années trois auteurs, réclamant chacun 50 francs de dommages-intérêts, se sont vu opposer une demande de leurs adver-

  1. Lois françaises et étrangères sur la propriété littéraire et artistique, recueillies par MM, Lyon Caen et Paul Delalain, 2 vol. in-8o ; Pichon.