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d’origine. Le rapport de la commission fut favorable, et les délégués de la ligue américaine, admis à plaider la cause d’une convention internationale, la plaidèrent avec autant d’éloquence que de bon sens, insistant notamment sur ce fait que la France, toujours chevaleresque, n’avait pas cessé d’accorder, sans aucune réciprocité, la même protection aux auteurs américains qu’à ses nationaux, et cela en vertu de la loi de 1852.

Malgré le rapport favorable de la commission et les efforts de la ligue, le bill du sénateur Hawley échoua. Si M. Cleveland, alors président de la république, était notoirement favorable à son adoption, M. Bayard, secrétaire d’État, était sourdement hostile, nonobstant les avis que lui transmettait de Berne le ministre des États-Unis, délégué à la conférence tenue en cette ville par l’Association littéraire et artistique : « Le jour est proche, écrivait-il au secrétaire d’Etat, où le droit de propriété sur les créations de l’esprit pourra être assuré en tous lieux, de façon à satisfaire également les exigences de l’auteur et le droit que possède tout le monde de tirer parti de la diffusion des idées. L’homme dont le cerveau crée a droit à une légitime et entière rémunération. »

Cet échec n’était pas pour décourager la ligue américaine. A chaque assaut nouveau, elle sentait mollir la résistance ; elle se sentait mieux soutenue par l’opinion publique, plus éclairée. La presse lui apportait son puissant concours, multipliant les faits et les preuves, auxquels les adversaires de la propriété littéraire et artistique, embarrassés de concilier leurs principes protectionnistes et leur opposition, gênés dans leur rôle d’avocats d’une cause insoutenable et condamnée, n’opposaient plus que des subtilités légales, arguant que le sénat ne pouvait rien décider, que le congrès des États-Unis avait seul qualité pour se prononcer en la matière. C’était l’argument derrière lequel se retranchait le secrétaire d’État, M. Bayard, pour contrecarrer l’effet des bonnes dispositions de M. Cleveland.

Puisque l’on arguait du congrès, on décida de s’adresser à lui. Le sénateur Chace entreprit cette fois de mener la campagne et l’ouvrit sous la forme d’un amendement à la loi existante, amendement qui, supprimant les mots de a citoyens des États-Unis ou résidens, » appelait, sans distinction de nationalité, tous les auteurs à bénéficier de la même protection. Une fois encore la commission des brevets d’invention du sénat déposa un rapport favorable et, le même jour, le 17 mars 1888, l’amendement était soumis à la chambre des représentans, dont la commission judiciaire concluait à l’adoption. En cet état, le projet lut inscrit sur la liste des délibérations de la chambre.

Le 18 août 1888, la discussion s’ouvre au Sénat. Trente-quatre