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aux États-Unis, à la Suède et à la Norvège, aux Pays-Bas, à l’Autriche et à la Hongrie, tous bienveillans, aux Slaves hésitans.

S’en tenant aux solutions possibles, aux réformes mûries par le temps et consacrées par les longues discussions, ajournant la mise en pratique des idées de demain, de celles qui, demain, seront justes et vraies, qui le sont aujourd’hui pour un petit nombre, mais que le grand nombre qui fait loi n’a encore ni examinées ni admises en tant qu’idées ambiantes, l’Association littéraire et artistique, assise enfin sur un terrain solide, travaille à l’élargir et à gagner à sa cause tout d’abord les États-Unis, avec eux et par eux tout le nouveau monde. Conquête décisive et féconde en résultats, pour laquelle il lui fallait, auprès des associations littéraires américaines, un négociateur habile, un avocat convaincu et qui sût convaincre. Elle ne pouvait mieux faire qu’en choisissant M. de Kératry. En 1836, son père, député et conseiller d’état, avait été désigné par M. de Gasparin, alors ministre de l’intérieur, pour faire partie de la commission présidée par M. le comte de Ségur, pair de France et membre de l’Académie, à l’effet de rechercher les mesures à prendre pour améliorer la législation en matière littéraire. La mission confiée à son père en 1836 détermina M. de Kératry à accepter celle qu’on lui offrait en 1889.


II.


Elle était autrement difficile et singulièrement compliquée. La législation américaine professait, pour les œuvres artistiques et littéraires des autres pays, la plus superbe indifférence ; elle n’intervenait que pour protéger celles de ses nationaux et pour les inviter à piller de leur mieux ce qui leur conviendrait au dehors. Tout Américain pouvait impunément reproduire, contrefaire, adapter et prendre pour sienne toute œuvre produite à l’étranger par un étranger. On ne s’en faisait pas faute. Depuis que les procédés de reproduction des œuvres artistiques s’étaient perfectionnés, des maisons importantes fondées à New-York, Boston, New-Bedford se livraient avec un plein succès au commerce des contrefaçons. Loin de s’en cacher, elles inondaient l’Europe de leurs prospectus et de leurs catalogues, annonçant la mise en vente à vil prix des publications des maisons étrangères, dans un délai de trente jours après leur réception aux États-Unis, paralysant les maisons qui traitaient loyalement avec les éditeurs européens de la cession de leurs estampes et du droit de les reproduire. « Ces belles gravures, disait l’un de ces catalogues, sont des fac-similés exacts des gravures et des eaux-fortes les plus rares et les plus coûteuses, d’après les