Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 98.djvu/369

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

combustion due à l’oxygène se produit en réalité dans tout l’ensemble de l’organisation, bien que la fixation de l’oxygène dans le poumon même donne lieu à un premier dégagement de chaleur.

J’ai moi-même réussi à faire la part de ces deux actions successives et à mesurer séparément la chaleur dégagée par la première fixation de l’oxygène sur le sang, laquelle est distincte de la chaleur qui se développe ensuite dans toute l’économie par l’ensemble des réactions chimiques, susceptibles d’aboutir à la formation de l’acide carbonique expiré. La chaleur, produite tout d’abord dans le poumon par l’oxygène, au moment de l’action directe de l’air, forme environ la septième partie de la chaleur animale totale ; le surplus résulte des oxydations et réactions effectuées dans la masse entière des organes.

Ainsi, c’est la seconde opinion émise par Lavoisier, puis écartée par lui, puis reprise encore dans son dernier travail fait en collaboration avec Seguin, qui a triomphé définitivement. Le poumon est regardé aujourd’hui comme étant essentiellement le siège de la fixation de l’oxygène, laquelle a lieu sur les globules du sang ; tandis que l’acide carbonique préexistant dans le sang s’échange au même moment contre l’oxygène et se dégage au dehors. La découverte de ces mécanismes a été l’œuvre de plus d’un siècle, et elle a donné à la question de la chaleur animale des développemens inconnus de Lavoisier. On a reconnu par là que la combustion admise par lui est réelle ; mais la production de l’acide carbonique et celle des autres composés oxydes s’accomplit dans toute l’organisation, par des voies et des intermédiaires divers, aux dépens de principes multiples ; corrélativement avec l’exercice des autres fonctions et au milieu de phénomènes dont Lavoisier ne pouvait soupçonner ni l’importance ni la complexité.

Tout cela ne diminue point le mérite et l’importance de sa découverte : la science ne se construit pas en un jour, et c’est Lavoisier qui a établi ici la base fondamentale de nos théories modernes sur la chaleur animale, je veux dire l’assimilation entre la combustion et la respiration. « On dirait, s’écrie-t-il dans son enthousiasme, que cette analogie n’avait point échappé aux poètes, ou plutôt aux philosophes de l’antiquité, dont ils étaient les interprètes et les organes. » Après avoir rappelé les mythes relatifs « au feu dérobé du ciel, au flambeau de Prométhée, » il ajoute : « On peut donc dire avec les anciens que le flambeau de la vie s’allume au moment où l’enfant respire pour la première fois, et qu’il ne s’éteint qu’à sa mort. »

L’importance de ces problèmes l’avait tellement frappé qu’il ne cessa de s’en préoccuper. Lorsqu’il connut la composition de l’eau, il soupçonna, dès 1785, que la combustion de l’hydrogène et la