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mais pour chercher dans ceux-ci les caractères mystérieux de génération et d’évolution qui caractérisent les êtres organisés.

Lavoisier et Laplace, au contraire, mesurent les effets de la respiration de l’animal, assimilés à ceux de la combustion d’une bougie, à l’aide de la balance et du calorimètre. Ils pesèrent d’abord la quantité d’acide carbonique produite par un cochon d’Inde, respirant librement à l’air pendant un temps donné ; puis ils placèrent l’animal au sein de leur calorimètre et mesurèrent la quantité de chaleur produite par lui, durant l’espace de dix heures. L’oxygène consommé répondit à peu près au volume de l’acide carbonique produit, et ils arrivèrent à ce résultat : « Lorsqu’un animal est dans un état permanent et tranquille, de telle sorte qu’après plusieurs heures le système animal n’éprouve point de variation sensible, la conservation de la chaleur animale est due, au moins en grande partie, à la chaleur que produit la combinaison de l’oxygène respiré avec la base de l’air fixe que le sang lui fournit ; » conclusion conçue dans des termes assez généraux pour avoir conservé sa rigueur, malgré les changemens survenus depuis un siècle dans les théories chimiques et physiologiques.

Le phénomène véritable était, en réalité, plus compliqué que ne le supposait Lavoisier, qui croyait toute la chaleur tirée de l’oxygène gazeux. En outre, l’oxydation effective dans un être vivant ne porte pas sur le carbone libre, mais sur les composés complexes hydrocarbonés fournis par les alimens et qui renferment cet aliment déjà associé à l’hydrogène, à l’oxygène et à l’azote, lesquels en modifient le pouvoir calorifique, en raison de la chaleur dégagée dans cette première combinaison. La combustion n’est point d’ailleurs la seule source de la chaleur animale : nous le savons aujourd’hui. Il y concourt aussi, comme je l’ai montré, des phénomènes de fixation d’eau (hydratations), accomplis dans le cours des métamorphoses des principes immédiats des alimens, tels que sucres, fécule et hydrates de carbone, principes albuminoïdes et autres composés amidés. Mais si ces faits n’ont été aperçus que depuis, — et quelques-uns assez récemment, — la vérité fondamentale découverte par Lavoisier n’en subsiste pas moins : « La respiration est l’origine d’une combustion lene, analogue à celle du charbon et produisant également de la chaleur. »

Lavoisier, après avoir hésité d’abord, se prononce, dans son travail avec Laplace, pour l’hypothèse qui suppose que cette combustion a lieu dans le poumon : la chaleur développée au sein de cet organe se communiquant au sang qui le traverse, pour se répandre de là dans tout le système animal. Mais ici le désir de simplifier l’a entraîné trop loin ; car l’opinion qui place dans le poumon le siège de la combustion est aujourd’hui abandonnée. La