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cette zone du nord, sur la ligne de Lille-Valenciennes-Maubeuge, non loin de Givet et de l’Oise. Si l’Allemagne avait pu former une armée de la Meuse sans toucher à son armée principale sur la frontière d’Alsace-Lorraine, la France trouverait à son tour, sans doute, dans ses masses militaires de quoi contenir l’invasion ou peut-être même s’avancer en Belgique pour menacer l’armée allemande en marche. Ce serait la contre-partie de l’opération que prévoyait M. de Moltke dans le cas d’une invasion de la Belgique par la France. De façon que l’intérêt qu’aurait l’Allemagne à gagner rapidement la « trouée » de l’Oise serait contrebalancé par les difficultés de toute sorte qu’elle rencontrerait.

Que résulte-t-il de tout ceci ? Il y a deux ou trois faits sensibles. Il n’est point douteux que la neutralité belge peut toujours être exposée dans le tourbillon de fer et de feu dont elle se sent enveloppée. Elle n’est sûrement pas menacée par la France ; elle pourrait l’être par l’Allemagne, si l’Allemagne cédait à ses instincts de domination plus qu’à la raison. La Belgique veut se défendre elle-même : on peut croire qu’elle n’y manquera pas, que tout ce qu’elle fait n’a point d’autre objet. Une de ses plus sérieuses garanties, au demeurant, est dans les difficultés que se créeraient les envahisseurs, et c’était, sans aucun doute, la pensée d’un des militaires les plus distingués de la Suisse, du colonel Ferdinand Lecomte, qui a dit, avec une impartialité peut-être un peu optimiste : « La Belgique est protégée par l’intérêt bien entendu des généraux et des hommes d’Etat allemands aussi bien que des généraux et des hommes d’État français, et par le bon sens qu’on est en droit de leur supposer d’après leurs antécédens. » On verra bien à la « prochaine guerre, » pour parler le langage du major belge Girard, ce que vaudra le bon sens dans les conseils des instigateurs de conflits.


II

On verra, à l’extrémité occidentale de la frontière, ce qui en sera de la neutralité de la Belgique, comme on verra à l’extrémité opposée, à l’est, ce qui en sera de la neutralité helvétique. Ici, à la vérité, c’est une autre question, ou du moins si les principaux élémens sont les mêmes, si les adversaires que la fatalité des conflits peut mettre en présence sont les mêmes, les conditions topographiques, politiques et militaires sont sensiblement différentes.

Par son histoire et ses traditions, par ses mœurs, par sa position centrale et bastionnée, par son organisation fédéralisée et