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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

L’emprunt russe, émis le 20 courant dans les conditions exposées ici il y a quinze jours, a eu un succès si éclatant qu’il ne laisse pas d’embarrasser le syndicat chargé de l’opération. Il s’agissait d’un total de 360 millions de francs en rente 4 0/0, offerte contre espèces à 465 francs, chaque obligation de 500 francs rapportant 20 francs, ou contre des titres d’anciens emprunts 5 0/0, acceptés en paiement à des conditions déterminées.

L’emprunt a été couvert au moins dix fois. Mais comme il a été présenté un très grand nombre de titres à la conversion et qu’un privilège était naturellement réservé à ce genre de souscriptions, il n’est resté qu’une partie relativement minime de l’emprunt à la disposition du public qui apportait ses capitaux en vue d’un nouveau placement. Or il s’est présenté près de 180,000 souscripteurs contre espèces, et il ne restait à répartir entre eux que 120,000 titres, opération à peu près impraticable, alors même que l’on se décidait à éliminer toutes les petites souscriptions. Il est probable que la difficulté va être atténuée par une décision du ministre des finances de Russie, émettant un nouvel emprunt de 200 millions de francs pour donner satisfaction au public, déçu par l’excès même de la réussite de l’opération. Mais cette création supplémentaire de rentes soulève des questions assez délicates, et il y a, dit-on, quelques différences de vues à cet égard parmi les membres du syndicat.

De quelque façon que ces embarras imprévus, d’une nature si flatteuse pour le crédit et pour la situation financière du gouvernement russe, soient finalement réglés, l’ardeur avec laquelle les capitaux se sont jetés sur la pâture qui leur était offerte est d’un excellent augure pour l’opération que prépare à son tour le gouvernement français.

M. Rouvier a fait connaître à quelles résolutions s’était arrêté le cabinet. Le projet de loi de finances pour 1891 supprime le budget extraordinaire de la guerre en faisant rentrer désormais toutes les dépenses qui y étaient afférentes dans le cadre du budget ordinaire. C’est pour ce dernier un surcroît de charges d’environ 100 millions de francs. Le ministre propose d’y faire face au moyen de diverses augmentations d’impôts, et notamment par l’élévation de 156 francs à 225 de la taxe par hectolitre d’alcool. Quant aux obligations sexennaires émises jusqu’à ce jour ou dont l’émission était législativement autorisée, mais