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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




28 février.

Si on voulait se représenter des hommes de parti, des politiques de parlement, des ministres dupes de la plus étrange des hallucinations, aveuglément occupés à gaspiller une situation, à ruiner un régime, des institutions, en ajoutant les fautes aux fautes, les inconséquences aux inconséquences, que pourrait-on imaginer de mieux que ce qui existe aujourd’hui ? Il est certain qu’on a rarement vu chambres et ministère laisser plus bénévolement échapper toutes les occasions de rentrer dans la vérité d’une sérieuse et libérale politique, pour se perdre plus que jamais, avec un véritable acharnement de médiocrité, dans toutes les maladresses, dans les petites tactiques, dans les plus vulgaires expédiens de parti. Il y a dans nos régions officielles une sorte de fanatisme étroit et subalterne qui rabaisse tout, qui empêche de voir la réalité des choses et n’a plus même l’excuse de la passion.

Lorsqu’au dernier automne, un scrutin qui ne manquait pas d’une certaine gravité, d’une certaine solennité émouvante, s’ouvrait en France, on ne savait pas trop, il faut l’avouer, ce qui allait arriver, — ce qui allait sortir de cette urne mystérieuse. On le savait, à n’en pas douter, le lendemain. Le résultat était aussi clair, aussi décisif qu’il pouvait l’être. A travers les obscurités et les confusions inévitables d’un si vaste mouvement, le pays avait manifesté ses vœux, ses sentimens, ses intimes aspirations avec une irrésistible évidence… Ou les élections n’avaient aucun sens, ou cette grande masse française, qu’on venait d’interroger, avait dit qu’elle ne demandait ni un changement de régime, ni une révolution d’institution, qu’elle demandait tout simplement une politique laissant de côté les vaines querelles, les guerres de parti pour s’occuper désormais de rétablir l’ordre dans les finances, la paix dans les esprits, l’équité conciliante