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ROYER-COLLARD

Royer-Collard écrivait le 19 septembre 1833 à M. de Barante : « Je n’avais de vocation libérale qu’avec la légitimité. » Il s’est fort bien défini ce jour-là. Un légitimiste libéral, c’est tout Royer-Collard. Il n’est libéral qu’en tant que légitimiste, et légitimiste qu’en tant que libéral, et il ne veut ni de la légitimité sans liberté, ni de la liberté sans légitimité : « Séparez la liberté de la légitimité, vous allez à la barbarie ; séparez la légitimité de la liberté, vous ramenez ces horribles combats où elles ont succombé l’une et l’autre. » Il ne veut de la légitimité qu’avec la liberté, parce que, sans liberté, la légitimité, c’est non seulement le despotisme, mais l’anarchie morale, une sorte de folie des grandeurs héréditaire, traditionnelle, consacrée par le temps et illustrée par l’histoire. Il ne veut de liberté qu’avec la légitimité, parce que la liberté pour lui n’est qu’une borne, une frontière où s’arrête le pouvoir et qui consacre le droit du pouvoir en le limitant. Si donc elle ne borne plus un pouvoir légitime, de borne elle devient pouvoir elle-même, pouvoir arbitraire, capricieux, indéfini et illimité, autre forme d’anarchie et de désordre civil et moral.

Légitimiste donc avec obstination, et libéral avec entêtement, il l’a été d’une suite et d’une constance parfaites jusqu’à la fin. Son caractère comportait ce système et l’y retenait. Il y a des gens qui sont libéraux par libéralisme, et il y en a qui sont libéraux parce qu’ils sont autoritaires. Royer-Collard était de ces derniers. Sévère, sinon austère, ce qui peut-être serait trop dire, un peu dur même, pour ne rien cacher, à l’égard des siens, dans la vie privée, très orgueilleux et très tranchant, ayant eu de très bonne