Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 98.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous pris par les souverains, une trêve de dix ans fut conclue le 18 juin 1538. Outre cet intérêt général de rendre la paix au monde, Paul III poursuivait le double intérêt particulier du mariage d’Octavio Farnèse, son petit-fils, avec Marguerite d’Autriche, et celui de Victoria, sa petite-fille, avec M. de Vendôme ; il réussit dans le premier et échoua pour le second.

La reine Éléonore, qui avait aidé à la conclusion de cette paix entre son frère et son mari, vint, suivie de toute sa cour, faire une visite au saint-père. Dans le cortège, marchait Mme de Longueville avec sa litière « accoustrée de velours noir et sa suite en haquenée semblable. » Vingt-six cardinaux montés sur leurs mules et encappés se rendirent au-devant de la reine. L’entrevue fut accompagnée de belles fêtes ; on ne voyait, d’après un auteur contemporain, « que galères trotter, artillerie sonner, se accoler, festoyer, caresser l’un l’autre le Français, l’Espagnol, l’Italien ; l’on beuvait frais. » Que d’éloquence dans ces trois derniers mots pour qui s’est trouvé dans le Midi au mois de juin ! et comme on comprend qu’une grande récompense soit promise dans l’évangile à qui donne un verre d’eau !

Après le voyage de Nice, Mme de Longueville partit pour l’Ecosse ; elle épousa à Edimbourg Jacques V. Elle emmenait dans sa suite un page âgé d’environ treize ans, Ronsard, que son frère Charles de Lorraine lui avait donné. Dans une élégie à Remy Belleau, le poète a raconté ce voyage :


……….. après je fus mené
Suyvant le roi d’Ecosse, en Escossaise terre,
Où je fus trente moys et six en Angleterre.


C’était au XVIe siècle comme de nos jours le sort des princesses d’être le prix des combinaisons diplomatiques, sans aucun souci de leurs goûts ni de leurs désirs, mais seulement en vue des intérêts et des besoins des souverains. François Ier, pour obtenir la liberté de ses enfans, épouse la sœur de Charles-Quint, et Henri VIII la veuve de son frère, pour n’avoir pas à rendre sa dot. On disposait de ces princesses et on les fiançait dès l’âge le plus tendre. Louise de France, âgée d’un an, fut fiancée à Charles d’Autriche qui, après l’avoir été à plusieurs autres princesses, finit par épouser une infante de Portugal ; Marie, fille d’Henri VIII, âgée de quatre ans, fut fiancée au dauphin qui venait de naître ; Anne de Bretagne l’avait été à Maximilien d’Autriche ; Jeanne d’Albret, à onze ans, avait dû par ordre du roi, et malgré ses protestations, faire avec le