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Lorraine, de Vendôme, de Nevers… Mais François Ier ne fut pas la dupe de cette manœuvre de la dernière heure. Quand il avait fait solliciter Henri de conclure un traité, il n’avait jamais pu obtenir ni réponse ni résolution, tant ce roi était « vacillant et indécis ; de penser que je veuille être continuellement en guerre avec l’empereur sans être aidé ni secouru de lui, et qu’en cela mon amitié lui soit profitable et la sienne me soit dommageable, c’est chose trop à mon désavantage, » écrivait-il à son ambassadeur, l’assurant, du reste, que, quelque traité qu’il fit, il ne manquerait pas d’observer la bonne amitié et la perpétuelle alliance existant entre lui et le roi d’Angleterre. Il ajoutait : « Si mon bon frère, en raison de l’affection qu’il a portée à Mme de Longueville, a volonté à ma cousine sa sœur, qui est une aussi belle, sage et vertueuse damoiselle qu’il en est point, et non moindre en toutes qualités d’honneur, de vertu et de beauté que ma dite cousine de Longueville, cette alliance servirait à la perpétuelle amitié des deux rois. »

Pendant que le roi d’Angleterre faisait par ses ambassadeurs des efforts pour empêcher la conclusion de la paix, il usait lui-même d’artifice auprès de Castillon et cherchait à le tromper en lui donnant de fausses nouvelles. M. Hoyet, envoyé de l’empereur, lui aurait apporté un projet de traité entre l’empereur, le roi d’Angleterre et celui de Portugal, s’il voulait accorder à ce dernier en mariage Madame Marie d’Angleterre sa fille. — Voilà quelque chose de certain de la part de l’empereur, tandis que tout est encore incertain du côté de la France, dit le lord du sceau privé ; puis il ajoute que l’alliance de ce dernier pays leur est plus avantageuse que celle d’Espagne, qu’il ne tient plus qu’à François Ier que la France et l’Angleterre ne fassent qu’un, et comme l’idée d’un mariage pour Henri est toujours poursuivie à la cour, il avoue qu’il a dépêché la veille le gentilhomme qui était déjà allé vers Mme de Longueville pour voir cette fois Mlle de Guise, car un Écossais arrivant de France avait dit qu’il s’émerveillait que le roi d’Ecosse eût pris une veuve pour laisser une jeune fille, sa sœur, la plus belle créature qu’il vit jamais. Castillon, habitué à se défier des paroles d’Henri et de son ministre, rendait compte à son maître de la prétendue nouvelle apportée par M. Hoyet ; il terminait sa dépêche par ces mots : « Ce roy est assez étrange : depuis qu’il a vu que la paix se dressait, il eut été content de contribuer quelque bonne somme à vous ou à l’empereur pour l’empêcher, il craint qu’on lui laisse entre deux selles le cul à terre. » Mais François Ier et Charles-Quint ne se laissèrent pas prendre aux artifices du roi d’Angleterre, et par l’intermédiaire du pape Paul III, qui, animé du désir de faire cesser une guerre sans motifs, s’était, malgré son grand âge, rendu à Nice, lieu du rendez-