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eut gravement à se plaindre de l’indiscipline des troupes allemandes. La devise de nos alliés des cantons de la Suisse : « point d’argent, point de Suisses, » était aussi celle de ces mercenaires qui dans plusieurs occasions nous abandonnèrent à la veille de la bataille. François Ier, qui l’avait éprouvé, les remplaça par des compagnies françaises, moindres par le nombre, mais plus fortes par le sentiment qui les animait.

La réponse de Castillon, au sujet des alliés qu’en vue du concile voulait se donner Henri, parut lui causer une certaine irritation ; aussi, il rappelle à cet ambassadeur tout ce qu’il a fait pour le roi de France, l’aide qu’il lui a donnée pour faire sortir ses fils de prison, le désir qu’il a de se marier en France, quoiqu’il trouve à se marier ailleurs ; il dépeint les négociations pendantes entre François Ier et Charles-Quint, disant que le premier veut le duché de Milan, mais que le dernier n’est pas si fou que de se fier en ses promesses avant leur accomplissement, qu’ils ne peuvent pas s’entendre parce que quand l’un parle de la Savoie, l’autre parle de la Navarre et que ce sera toujours à recommencer. Après l’avoir laissé exhaler sa mauvaise humeur, Castillon lui répond que le plaisir qu’il fit au roi de France, il l’avait vendu bien cher, qu’il lui semblait qu’il voulait être de ceux « qu’on ne doit appeler ni amis ni ennemis. Le roi de France y va de bon pied, je vous prie que vous fassiez la pareille de votre costé. »

Les dispositions d’Henri, mauvaises pour la France, n’étaient pas meilleures pour l’empereur ; il n’aurait pas voulu voir « l’un ni l’autre plus grands qu’ils sont, » mais il n’était pas en mesure de faire la guerre, car il y avait beaucoup de mécontens « sans compter les Irelandes » alors en pleine révolte, et, comme aujourd’hui, une grande difficulté pour le gouvernement de l’Angleterre. D’ailleurs les chances que présentent les combats ne convenaient pas à son caractère absolu, et sa santé ne lui permettait pas d’y prendre une part active ; enfin ses richesses étaient bien inférieures à ce que croyait le vulgaire parce qu’elles étaient dissipées aussitôt qu’amassées. Ce défaut de ressources le mettait dans l’obligation de demander des subsides à son parlement qui, en matière d’impôts, n’avait pas la même complaisance que dans les questions religieuses et qui ne consentait, après de longues discussions, qu’une partie des subsides demandés. Le clergé opposait une résistance encore plus grande et ne voulut jamais accorder un don gratuit, bien différent du clergé français, qui payait toujours le don gratuit demandé ou plutôt imposé par le roi ; aussi un ambassadeur vénitien écrit dans ses relations : « en France, plus les peuples sont grevés et plus ils paient gaîment ; » ce caractère de la nation n’a pas