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conclut en Languedoc. — La paix n’est pas prête. — Il retourne après à ses moutons et ne peut oublier sa bergère. » Castillon lui demandant le résultat de la mission secrète du gentilhomme Méotis : « Pardieu ! le coquin a eu trop d’honneur d’avoir été en si honnête lieu. Il a appris que Mme de Longueville n’avait rien spécifié du roi d’Ecosse. Le roi mon frère n’aura point d’excuse de me la refuser pour la bailler à ce bélitre et saoul roi d’Ecosse. » Il ajoute de longs propos à ce sujet, disant qu’on ne peut lui refuser Mme de Longueville, que c’était le bruit du palais qu’il l’épouserait, ce qui est bon signe. Castillon, qui tous les jours appréciait les hommes et les choses de la cour du roi d’Angleterre, termine ainsi la dépêche dans laquelle il rend compte à son maître de cette conversation : « C’est un merveilleux homme et a de merveilleuses gens à l’entour de lui ; si, suis-je, sire, bien desplaisant que je ne puis trouver moyen de vous faire quelque bon service à l’endroit de ses angelots[1] qu’il tient si chers, mais c’est une vieille voulpe…[2], il aime plus l’or et l’argent que l’alliance de prince que je congnoisse ; je vous assure qu’il en fait munition et n’y a calices, châsses ni autres reliquaires qui ne s’en sente bien. »

Comme le montrent les dépêches qui précèdent, Henri poursuivait son idée d’épouser Mme de Longueville. Il envoya M. de Briant, un des serviteurs de son intimité, en ambassade vers le roi de France, sous l’apparence de négocier l’alliance des deux pays ; mais Castillon, qui connaissait le fond des choses, écrivait au grand-maître que, si Briant trouvait bon accueil auprès du roi, il lui parlerait de Mme de Longueville. « Si on ne lui veut point tenir le bec en l’eau et qu’on l’en veuille tout à fait refuser, qu’on fasse que M. d’Arbroath[3], ambassadeur du roi d’Ecosse, parle un peu des grosses dents audit Briant et à M. de Winchester, leur remontrant la grande injure que le roi d’Angleterre fait au roi d’Ecosse d’entreprendre sur sa femme, et que plustôt mettra-t-il son royaume en hasard que d’endurer un tel tort. » Castillon pensait que ce langage ferait changer les dispositions d’Henri qui ne voudrait pas acheter une femme au prix d’une guerre, et qu’il se résignerait à en prendre une autre, peut-être en France même.

Aux nouvelles démarches faites auprès de lui par l’ambassadeur Briant, le roi de France répond, comme il l’a déjà fait, que le mariage de sa cousine la duchesse de Longueville est conclu et arrêté avec le roi d’Ecosse et qu’il ne serait ni honnête ni raisonnable de

  1. Monnaie anglaise ; il y en avait quarante-huit à notre marc.
  2. Renard.
  3. David Beaton, depuis évêque de Mirepoix, cardinal.