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avec cela ; sinon il faut bien spécifier à M. de Winchester, l’ambassadeur d’Angleterre, que ce mariage était conclu et juré par M. de Guise ayant une procuration expresse de Mme de Longueville, afin qu’on n’y revienne plus, « car je crois ce roi vouldroit avoir donné partie de son royaulme et il l’eusse espousée. »

La liberté de langage de Castillon tenait à son époque ; elle tenait à la vie des camps qui établissait en présence des mêmes dangers une certaine familiarité dans les rapports ; elle tenait aux relations fréquentes du roi avec les principaux de ses hommes d’armes ; il les connaissait tous, il savait leurs affaires privées et intervenait au besoin. Son itinéraire le montre déployant une grande activité, visitant ses villes, ses places fortes et les principaux seigneurs, allant de château en château sans s’arrêter plus de quelques jours dans le même. Henri VIII en faisait autant de son côté ; tous les ans, pendant trois mois de la saison d’été, il inspectait ses ports et ses villes : c’est ce qu’il appelait « faire son progrès. » La royauté ne s’isolait pas alors dans un cérémonial infranchissable comme l’usage s’en établit au siècle suivant. Cette liberté de langage faisait dire à Dupuy-Montbrun que « quand il avait le cul sur la selle, il était l’égal du roi ; » elle permettait à Vassé d’écrire au duc d’Aumale : «… Par le corps de Dieu, vous avez l’une des plus belles et honnestes princesses que j’aye jamais vue, et ai peine que, des grâces et contentemens que Dieu vous donne en ce monde, il ne vous punisse quelque petit en l’aultre. » Castillon, ayant bien pénétré les senti-ens d’Henri pour Mme de Longueville, cherche à en tirer profit et à l’engager dans les intérêts du roi de France. Il lui expose que les députés de l’empereur faisaient tous leurs efforts pour obtenir le concile, mais que son maître ne l’accorderait qu’à la condition qu’aucune question de nature à contrarier le roi d’Angleterre n’y serait traitée ; que c’était là un point délicat qui pouvait empêcher la paix de se conclure, auquel cas il devrait venir en aide au roi de France pour lui permettre de continuer la guerre contre l’empereur. Henri répond qu’il serait fâché que le roi de France perde un si grand bien pour lui et qu’il devrait plutôt donner son consentement ; il ajoute qu’il voyait avec peine qu’on n’allât pas franchement à lui, que la paix ne se ferait pas et qu’on voulait en attribuer la rupture à la question du concile pour faire retomber sur lui l’odieux de la continuation de la guerre ; il veut plus de franchise, il voudrait enfin une alliance sincère et inviolable.

Castillon le supplie de lui dire ce qu’il veut qu’on fasse pour venir à cette sincérité : « Que je sache la réponse que vous aurez de Mme de Longueville, dit le roi, nous en parlerons plus amplement. — Vous changez de propos, et cependant la paix ou la guerre se