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habile, s’il prit une autre femme le lendemain de son exécution, il eut des regrets pour Jane Seymour, qui lui avait donné un fils[1]. Il s’était enquis des princesses des cours de l’Europe en âge d’être mariées ; ayant entendu vanter la beauté et les grâces de Mme de Longueville, il résolut de l’épouser. Il fit faire une ouverture de mariage par le lord du sceau privé, son principal ministre et l’homme de sa politique. Malgré tout son désir de complaire à un allié utile, François Ier, ne pouvant consentir à sacrifier cette belle princesse au roi qui faisait si bon marché de la vie de ses femmes et de ses sujets, répondit par son ambassadeur qu’il serait très honoré si le roi d’Angleterre prenait une femme dans son royaume, qu’il n’y avait ni dame ni demoiselle qui ne fût à son commandement, excepté sa cousine de Longueville dont le mariage avait été arrêté et juré avec le roi d’Écosse. Peut-être par ce motif la duchesse de Longueville était précisément la femme que voulait Henri, car le cœur des rois n’est pas pétri d’une matière différente de celle des autres hommes, et le refus du roi de France ne fit qu’exciter ce désir. Castillon lui ayant demandé, à la suite de la communication de la réponse de son maître, ce qui le portait à être plus affectionné à la duchesse de Longueville qu’à toute autre, il répondit que son ambassadeur Wolop lui en avait rapporté un bien au-dessus de tout ce qui se peut exprimer et qu’avec cela « il est grand et gros personnage et a besoin de grandes femmes ; quant à Mlle de Vendosme, il ne prendra pas le refus du roi d’Écosse. » Marie de Bourbon avait été, en effet, fiancée à Jacques V, le 29 mai 1536 ; mais ce prince, étant allé la voir à Dieppe, ne la trouva pas à son gré et refusa de l’épouser.

Castillon avait compris le vif attrait qu’Henri ressentait pour la duchesse de Longueville et le parti qu’il pouvait tirer dans les négociations des désirs de ce prince pour le maintenir dans l’amitié du roi de France et en obtenir des secours contre l’empereur ; aussi écrivait-il : « Ce roi est si amoureux de Mme de Longueville qu’il ne se peut tenir d’y retourner. » En effet, Henri avait fait faire une nouvelle démarche. Le lord du sceau privé demande à Castillon si les choses sont si avancées qu’elles ne se puissent rompre ; il insiste et dit que, si on faisait tant pour le roi d’Angleterre que de lui accorder Mme de Longueville, il ferait pour la France plus du double que ne fera jamais le roi d’Écosse. Il sait d’après les renseignemens recueillis en France auprès de personnes dignes de confiance que, si M. de Guise a promis et juré le mariage de Mme de Longueville, elle n’a jamais donné son consentement à être mariée

  1. Édouard VI, voir son portrait, par Antonio de Moor.