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I

M. de Castillon n’était pas un ambassadeur de robe longue, catégorie trop employée dans le XVIe siècle, au dire de Brantôme, qui préfère les ambassadeurs gens d’épée « qui troussent leurs paroles plus courtes » et sont aptes en outre à rendre des services dans les affaires de guerre. L’auteur de la Vie des grands capitaines approuve qu’on ait envoyé en ambassade à Rome M. de Villeparisis, « bonhomme d’espée prompt, hâtif et point endurant, et M. de Tournon, vaillant seigneur qui avec son épée s’en fit très bien accroire. » Mais à l’époque de la renaissance les hommes qui cultivaient les lettres semblaient être la plus haute expression de leur pays, et François Ier les récompensa justement. Il se faisait représenter auprès du pape Léon X par le professeur Guillaume Budé, l’homme le plus savant de son temps, — au concile de Trente par le magistrat Du Ferrier, qui, après avoir harangué dans l’assemblée des prélats, allait faire des leçons de droit dans la célèbre école de Padoue, — le plus souvent, enfin, auprès des souverains dont il recherchait l’alliance, par des cardinaux et par des évêques qui s’étaient fait remarquer dans l’étude des lettres. Le poète Lazare Baïf avait une ambassade ; Amyot, une mission auprès du concile.

Notre hiérarchie diplomatique, qui compte plusieurs degrés, n’existait pas ; les idées du temps ne l’admettaient pas. Les divers secrétaires d’ambassade, qui de nos jours vont se morfondre dans les petites cours, attendant un poste élevé auquel ils ne montent que rarement, n’avaient pas encore été établis par ce besoin de bureaucratie, plaie de notre siècle. Au XVIe, époque de vie active, d’initiative individuelle, on tenait en médiocre estime ceux qui étaient « tombés à ce passe-temps de branler les jambes sur les coffres de l’antichambre du roi. » Fallait-il aller négocier la rançon de François Ier, on envoyait le premier président au parlement de Paris, le maire de Bordeaux, l’archevêque d’Embrun ; fallait-il entretenir de bonnes relations avec le roi d’Angleterre, on lui dépêchait l’évêque de Bayonne, Du Bellay, qu’un ambassadeur anglais qualifiait quelques années plus tard « le plus subtil des membres du collège des cardinaux ; » une autre fois l’évêque de Tarbes, Gramont, « homme d’audace intellectuelle, » qui « a la réputation de ne pas craindre le scandale, » d’après un ambassadeur vénitien ; dans la circonstance présente, M. de Castillon. Ces envoyés avaient leur originalité propre ; on sentait l’homme sous la fonction.

Loys du Perreau, seigneur de Castillon, appartenait à la maison du roi ; il était fils d’un secrétaire d’état du roi François Ier, homme nouveau comme Briçonnet, Bochelet, Robertet, Duprat, Montholon