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récriminer ; ce qu’il en faut accuser, c’est bien moins le présent que le passé.

Cette observation faite, les partis, dans leurs luttes quotidiennes, ne s’exagèrent-ils point l’importance de cette question de forme de gouvernement ? Est-il vrai que la chambre et le pays s’y viennent toujours butter ? Est-il vrai que, au parlement et dans toutes les assemblées électives, les conservateurs agissent toujours comme monarchistes, en adversaires irréconciliables de la république ? Est-il vrai, enfin, qu’il suffirait d’une adhésion de la droite à la république pour que la majorité de gauche changeât de politique ?

Et, d’abord, est-ce bien les conservateurs qui s’obstinent à prendre, en tout lieu et en tout temps, la qualification de monarchistes ? Il me semblait qu’en 1889, comme en 1885, leurs adversaires les avaient accusés de mettre leur drapeau en poche, c’est-à-dire, précisément, de ne pas se présenter en adversaires de la république. Car, on l’oublie trop, les hommes qui reprochent aux conservateurs de ne pas se résigner à la république sont les premiers, en temps d’élection, à les signaler comme des monarchistes irréconciliables. Nombre de députés et de candidats de droite se sont présentés en simples conservateurs ; ce sont leurs concurrens qui leur ont imposé, d’office, l’épithète de monarchistes ; c’est la gauche qui, à chaque élection, refuse d’admettre qu’un conservateur puisse être autre chose. En 1885, la plupart des candidats de droite avaient déclaré qu’ils n’en voulaient pas à la forme du gouvernement, mais au mode de gouvernement. Mensonge, hypocrisie ! vociférait toute la gauche : la tactique est de signaler tout conservateur, de quelque origine qu’il puisse être, comme un monarchiste, aussi bien que comme un clérical. A bas les masques ! s’écrie, à chaque élection, la presse républicaine. S’imagine-t-on que, pour lui clore la bouche, les hommes de droite n’auraient qu’à faire adhésion à la république ? C’est bien mal connaître les passions de partis et les défiances démocratiques. Chaque fois qu’un conservateur en a fait l’essai, on lui a dit : Donnez des preuves de votre républicanisme ; des paroles ne suffisent point, il faut des gages. Et quels gages exige-t-on ? L’approbation de la loi scolaire, de la loi militaire, de la politique opportuniste ou radicale, c’est-à-dire la négation de la politique conservatrice. Dans la presse locale, dans les réunions publiques, vous entendrez affirmer que les vrais, les seuls républicains sont ceux qui approuvent les actes de la république. De la cocarde républicaine, on prétend ainsi faire une livrée de servitude. On identifie, à dessein, la république avec le parti républicain, de façon à en exclure, comme d’une église fermée, tous ceux qui se réclament des traditions conservatrices. Pour le