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quelques jours à peine, le parlement, arrivé à la fin de son existence, s’est séparé pour ne plus revenir. Avant de disparaître, il a voté le budget comme on le lui demandait ; il a refusé de voter la loi contre les socialistes, à laquelle le gouvernement paraissait attacher un si grand prix. Il n’a probablement pas voulu clore sa carrière par le vote de mesures exceptionnelles. Jusqu’au dernier moment, on s’attendait à voir M. de Bismarck revenir de Friedrichsruhe pour défendre son œuvre, pour prononcer, à la veille des élections, un de ces discours qui sont un programme, qui retentissent partout. Le chancelier n’a pas paru, ou du moins, s’il est rentré à Berlin, il ne s’est pas montré au Reichstag : il a laissé finir sans bruit ce parlement, dont le président, M. de Levetzow, a salué la dernière heure d’une façon assez bizarre, en accompagnant l’acclamation à l’empereur du mot des gladiateurs mourans : Morituri te salutant ! Aujourd’hui, l’Allemagne est en pleine agitation électorale ; la lutte est vivement engagée entre les partis. Conservateurs, nationaux-libéraux, catholiques, progressistes, socialistes ont ouvert la campagne et levé leur drapeau. De toutes parts, ou ne voit que manifestes et programmes, manifeste du chef du centre catholique. M. Windthorst, manifeste du chef des progressistes, M. Richter, manifestes des libéraux-nationaux. Les socialistes, entre tous, déploient une ardente activité et multiplient leurs candidatures. Ils ne réussiront pas partout où ils se présentent, ils le savent bien ; ils montreront leurs forces, qui se sont singulièrement accrues d’année en année, en dépit de toutes les répressions, et que les récentes agitations ouvrières de la Westphalie et de la Silésie auront pu accroître encore. La mêlée des partis est complète et ne laisse pas d’être curieuse.

Que produiront ces élections allemandes de 1890 ? Elles ont du moins cela de caractéristique par leurs préliminaires qu’elles ne ressemblent pas aux élections de 1887. Il y a trois ans, il n’y avait qu’une question qui dominait ou éclipsait tout, celle du septennat militaire, que le vieil empereur voulait à tout prix obtenir du pays et du nouveau Reichstag. L’opinion avait été habilement échauffée et préparée par une campagne de faux bruits de guerre et d’excitations violentes contre « l’ennemi héréditaire. » Tout ce qui pouvait conspirer pour le succès du septennat, depuis les influences officielles jusqu’à l’intervention du pape lui-même auprès des catholiques, avait été mis en jeu par le chancelier chargé de faire prévaloir la volonté impériale. C’était une sorte de plébiscite organisé pour l’accroissement de la puissance militaire de l’Allemagne. Aujourd’hui il ne s’agit plus de cela ; ce sont Les questions économiques, sociales, qui semblent prendre la première place dans les préliminaires des élections du 20 février, et cette nouvelle agitation électorale s’est brusquement compliquée d’un coup de théâtre assez extraordinaire qui ne laisse pas d’éclairer d’une lumière significative la situation de l’Allemagne. Ce n’est plus, cette fois, M. de