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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 février.

On n’est jamais plus exposé aux accidens et aux surprises que lorsqu’on va au hasard du jour, sans direction, sans idées précises et sans esprit de conduite. Vivre avec la possession du pouvoir, du budget, des administrations, des magistratures, de tous les moyens d’action qui font la force et l’autorité des gouvernemens, c’est quelque chose sans doute, c’est même beaucoup si l’on veut. Encore faudrait-il y mettre un peu d’art et savoir se servir de tous ces moyens qu’on doit à une fortune plus qu’indulgente pour ouvrir au pays une voie où il puisse marcher avec quelque confiance, sans trop douter de ceux qui le représentent et le dirigent. Le malheur de ce moment bizarre où nous sommes est que ni chambres, ni gouvernement ne peuvent arriver à se débrouiller, que pour eux tout semble se réduire à expédier tant bien que mal quelques affaires, à invalider quelques élections qui déplaisent, à aller au besoin débiter quelques harangues en province, et à trouver que tout est pour le mieux ! Avec cela on traîne au jour le jour une vie sans éclat et sans profit, on a la chance d’être pris à l’improviste par le premier incident venu qui met brusquement à découvert l’imprévoyance et les maladresses des hommes. Il suffit de la simple aventure d’un jeune prince exilé venant à Paris chercher une feuille de conscrit pour créer, non pas un danger qui n’apparaît nulle part, mais une apparence de désarroi dans les esprits.

Certes, l’aventure est singulière, et elle a de plus, au milieu de nos banalités courantes, un air toujours séduisant d’aimable témérité. Voici, en effet, qu’un jeune prince, M. le duc d’Orléans, fils de M. le comte de Paris, était, il y a quelques jours à peine, à Lausanne, occupé de son éducation militaire, avec un ancien officier de notre armée et des officiers de l’armée suisse. Tout à coup, il se souvient qu’il a vingt ans de la