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donc, encore une fois, l’ensemble qu’il faut consulter. Or le pauvre n’a aucun autre impôt que les taxes de consommation, de ces taxes il n’en paie qu’une partie ; les moyennes sont ridicules ici, à coup sûr elles n’existent pas dans la réalité. Les consommations de luxe sont généralement plus imposées que les autres[1] ; ce sont des taxes que les pauvres ne paient pas, tandis que les consommations les plus communes, pain et légumes, sont exemptes de droits. En somme, la progression à rebours est une simple phrase à effet dont nous avons plusieurs fois démontré l’absurdité[2], celui qui a peu de revenu paie peu d’impôt : et celui qui en a beaucoup est chargé à peu près en proportion. Quant à établir des proportions rigoureusement exactes, aucun homme de bonne foi ne soutiendra que cela soit humainement possible. Nous ne sommes pas non plus d’avis qu’il y ait lieu d’exempter les pauvres absolument de toute contribution à l’État. Puisqu’ils votent et exercent par leur nombre une grande influence sur les affaires politiques et économiques du pays, il est de la plus stricte justice qu’ils aident un peu, très peu, à en porter les charges publiques. C’est d’ailleurs pour eux une affaire de dignité civique.

Nous ne pousserons pas plus loin la recherche des progrès qu’ont pu faire les doctrines économiques depuis Adam Smith. Nous avons pu constater que les fondateurs de la science économique avaient déjà réuni, par eux-mêmes et par leur initiateur, une si grande masse d’expériences qu’ils pouvaient convenablement remplir le cadre qu’ils se sont tracé. Les successeurs n’avaient qu’à compléter et à améliorer, ce qu’ils n’ont pas manqué de faire ; seulement, en ces matières, beaucoup d’améliorations n’apparaîtront que comme des détails infimes. On ne s’en vante pas, mais les détails s’accumulent, et au bout d’un certain temps cela forme un ensemble remarquable. Il en est du moins ainsi pour ceux qui ont cultivé la science, libres de toute préoccupation politique ou autre.


MAURICE BLOCK.

  1. Voyez, par exemple, le tarif de l’octroi de Paris : volaille et gibier, 1re catégorie, 62 fr. 50 les 100 kilogrammes ; 2e catégorie, 25 francs les 100 kilogrammes ; 3e catégorie, 15 francs les 100 kilogrammes ; 4e catégorie (lapins et chevreaux), 7 fr. 50 les 100 kilogrammes.
  2. Ajoutons que ces taxes, imposées par les communes sous le nom d’octroi, ont motivé une hausse des salaires ; ce qu’il y a d’inégal dans la répartition de l’impôt se trouve ainsi compensé. Il y a d’ailleurs d’autres compensations encore. Par conséquent, la justice et l’intérêt général exigent d’accompagner la suppression des taxes d’octroi d’une réduction des salaires.