second Tamerlan savent que cette tirade est l’une des plus modestes du genre. De là aussi, — si nous nous élevons un peu plus haut, — ce besoin dévorant d’activité et de développement, cet amour du périlleux et de l’impossible, ce défi constant porté aux lois naturelles : caractère si frappant dans tout le théâtre de Marlowe, que M. Symonds en fait la marque propre de son imagination poétique. « Le bien que je préfère, dit le duc de Guise, est celui qui est trop haut pour moi. » D’un mot, c’est l’amour de la vie qui éclate et déborde, entraînant dans le torrent de l’action et de la science tout ce qui restait de l’âge du Graal, de celui de saint François d’Assise ou de celui de ira Angelico.
Quant à l’antiquité, elle est partout dans ce théâtre. Elève, comme la plupart des poètes du temps, des universités, Marlowe sort de Cambridge avec un trop-plein de savoir qu’il déverse à tout propos, et surtout hors de propos. Térence et Sénèque, Euripide et Virgile, Ovide et Lucain, tous ces maîtres se disputent les moindres recoins de sa mémoire. Toute sa tragédie de Didon, reine de Carthage, n’est, à deux épisodes près, que l’Enéide mise en dialogues ; à certains momens même, Énée et Didon, par l’effet de l’émotion sans doute, parlent en vers latins : c’est le naturel qui reprend le dessus. « Mon cœur, dit Édouard II, est comme une enclume sur laquelle frappe le chagrin, comme frappent les marteaux des Cyclopes. » Mortimer, voulant persuader à son neveu que tout souverain a nécessairement un favori, lui cite, coup sur coup, Alexandre et Héphestion, Hercule et Hylas, Patrocle et Achille, Cicéron et. Octave, Socrate et Alcibiade. Gaveston, pour séduire son roi, s’inspire de la légende d’Actéon et de Diane. Toute cette antiquité, d’ailleurs, subit des déformations étranges. Elle devient, sans que l’auteur s’en aperçoive, niaise, mièvre ou grotesque. Veut-on savoir comment mourut le vieux Priam ? « Pyrrhus fit tournoyer son épée, et du vent de cette épée le roi tomba. »
Mais soyons justes. Une fois en sa vie, Marlowe a été merveilleusement inspiré par un modèle antique, et cela seul doit nous faire oublier les oripeaux classiques dont il a décoré ses drames. Je n’entends parler ni de sa traduction du premier livre de Lucain, qui témoigne d’une si pauvre connaissance du latin, ni de celle d’Ovide, fameuse pourtant et qui eut les honneurs du feu, mais de la paraphrase qu’il fit du joli poème grec de Héro et Léandre. Les contemporains, et Scaliger tout le premier, attribuaient ce petit chef-d’œuvre à Musée lui-même, père vénérable de toute poésie ; il est, en réalité, postérieur de plusieurs siècles à Jésus-Christ et l’œuvre, sans doute, d’un Alexandrin. En l’imitant, Marlowe construisit-il, comme le veut M. Swinburne, « un sanctuaire de marbre de