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dire que s’il est parmi eux des cosmopolites à la mode d’autrefois, ils sont rares. »

Mais là n’est pas l’unique office, l’unique service des associations d’étudians. Depuis longtemps déjà notre société a cessé d’être une hiérarchie de classes superposées, subordonnées. Elle tend chaque jour davantage à devenir un système de groupes naissant spontanément, et répondant chacun tantôt à un intérêt, tantôt à une idée, tantôt à une passion. Tous ces intérêts, toutes ces idées, toutes ces passions ne sont pas du même ordre, ni du même degré. Pour qu’au milieu de tous ces groupes dure la paix sociale, il faut qu’entre eux l’équilibre s’établisse, et pas plus dans la statique sociale que dans la mécanique, il n’y a d’équilibre que si chaque poids a son contrepoids, chaque force, sa force, je ne dis pas antagoniste, mais opposée. Il est donc nécessaire que pendant qu’il se forme par en bas des groupemens plus nombreux qu’on ne le croit généralement, il s’en forme d’autres par en haut. Les associations d’étudians sont de ceux-là. Elles reposent sur des idées qui sont des forces montantes.

Ce sont aussi, dans une certaine mesure, des forces d’expansion. On l’a bien vu, naguère, à l’inauguration de la nouvelle Sorbonne, où la jeunesse du monde à peu près tout entier, répondant à l’appel de la jeunesse de Paris, unissait ses bannières au drapeau de la France. Il y a eu là un élan indescriptible de fraternité universelle. Gardons-nous de toute illusion dangereuse. Ce ne sont pas nos associations d’étudians fraternisant avec les étudians étrangers, qui noueront des alliances et arrêteront le cours de la politique. Mais elles noueront des amitiés, et c’est déjà quelque chose que, d’un pays à l’autre, la jeunesse se connaisse, s’aime et s’estime.

Nos facultés sont donc devenues ce que tous ceux qui aiment leur pays rêvaient de mieux pour elles : des foyers de science et des foyers d’esprit national. Maîtres et élèves y ont pris une conscience collective de leur rôle et de leurs devoirs, et ces deux consciences, unies, quoique distinctes, s’éclairent et s’élèvent l’une par l’autre. Est-ce à dire que l’évolution de notre enseignement supérieur soit terminée ? Non, assurément. Il lui reste encore une phase décisive à accomplir. Mais le but où elle tend commence à apparaître avec clarté, ainsi que les chemins par où il sera atteint. C’est ce que nous essaierons de montrer dans une dernière étude.


Louis LIARD.