Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 97.djvu/890

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du ministre. C’est la faculté qui le présente ; c’est le ministre qui le nomme.

Les dispositions les plus neuves et les plus importantes des décrets de 1885 ont trait aux rapports des facultés entre elles, à leurs intérêts et à leurs devoirs communs, à leur rapprochement organique en un seul et même corps. C’était vraiment un état contre nature que l’état de dispersion, d’isolement et de juxtaposition où elles vivaient depuis leur origine. Qui dit facultés dit les puissances d’une même âme. Pour âme, on leur avait donné l’unité tout extérieure d’une administration commune. Elles commençaient à sentir que ce n’était pas assez, et à réclamer un autre état légal qui leur permît de concentrer et de coordonner leurs forces pour le plus grand profit de l’enseignement et de la science. On leur avait, en 1883, posé la question suivante : Y a-t-il lieu de constituer les facultés en universités analogues à celles de l’étranger ? En majorité, elles avaient répondu : « Oui ; » quelques-unes avec une ardeur de conviction qui montrait bien qu’elles sentaient la dignité, les avantages et aussi les obligations d’une telle constitution. Le gouvernement ne crut pas que le moment fût venu de déférer à ce vœu. Il lui parut que ni l’opinion publique, ni les facultés elles-mêmes n’y étaient assez préparées.

La vieille Université, celle de 1808, celle qui contenait en un vaste et unique réseau tous les établissemens d’instruction : pensions, collèges, lycées et facultés, avait cessé légalement d’exister en 1850. Mais, pour l’opinion publique, elle subsistait toujours, et, dans le langage courant, elle personnifiait l’enseignement de l’Etat, par opposition à l’enseignement libre et privé. L’apparition soudaine d’Universités régionales, à Paris, à Lyon, à Bordeaux, à Montpellier, ailleurs encore, n’eût-elle pas semblé un démembrement de l’enseignement national, qu’une tradition déjà lointaine avait habitué les esprits à considérer comme un et indivisible, ainsi que l’État lui-même ? Peu familier, comme on l’était encore, en dehors des facultés, avec cette conception nouvelle, n’y eût-on pas vu une dérogation aux principes généraux de notre droit public, et un retour vers un ordre d’institutions disparues avec l’ancien régime ?

D’autre part, en demandant d’être formées en universités, les facultés ne se laissaient-elles pas aller à un entraînement théorique ? Et offraient-elles, comme base de ce nouvel état, des mœurs assez solides et assez éprouvées ? « Qu’elles soient des corps indépendans ou des établissemens d’état, universités anglaises et universités allemandes, disait l’exposé des motifs présenté au Conseil supérieur à l’appui du décret du 28 décembre 1885, elles ont toutes également ce trait essentiel d’être des corporations, d’avoir une