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formé un contingent considérable d’agrégés. C’est seulement en 1880 qu’elles se mirent à préparer d’une façon régulière et complète aux concours d’agrégation. Leurs succès en 1881 furent modestes. Sur 92 agrégés, elles n’en comptaient que 30. Mais à partir de ce moment, chaque année ce nombre s’est accru, et en 1888, sur 119 agrégés, 89 étaient de leurs élèves. Voilà des résultats qui sont des jugemens.

On ne les eût pas obtenus sans les bourses de licence et d’agrégation. A l’origine on a raillé cette institution : « Les facultés n’avaient pas d’élèves ; pour qu’elles en eussent, on en paya. » Puis on a affecté d’y voir une prime au déclassement et par suite un danger social. Railleries et craintes sont tombées devant les faits, et aujourd’hui les bourses de l’enseignement supérieur sont jugées et confirmées par leurs résultats mêmes. On eut raison de les créer parce qu’il n’est pas admissible, que dans un pays démocratique les libéralités de l’état s’arrêtent à mi-chemin, et qu’il y a contradiction à avoir, comme on en avait depuis le commencement du siècle, des centaines de boursiers dans les lycées et dans les collèges, et à n’en pas avoir un seul au degré supérieur de l’enseignement. La société est intéressée à ce que les mises en valeur commencées par elle soient poussées jusqu’au bout. C’était la doctrine de la Révolution. C’est la pratique fort ancienne de pays qui ne se piquent pas d’esprit démocratique. Ainsi en Allemagne, il y a, sous des formes diverses, plus de bourses que nous n’en avons d’inscrites au budget de l’Etat ; par exemple, dans la petite Université de Gœttingue, la neuvième, par le nombre des étudians, des universités de l’Empire, sur 1,000 étudians en moyenne, 200 ont la table gratuite par fondations du gouvernement, des cantons, des villes et des particuliers, et 200 autres reçoivent des subsides en argent.

Outre cet intérêt d’ordre général, la création des bourses d’enseignement supérieur répondait à des besoins particuliers et précis. On voulait, par elles, constituer au sein de chaque faculté un premier groupe d’élèves sérieux, un de ces noyaux de cristallisation qui attirent et qui fixent, et de ces élèves former, pour les lycées et surtout pour les collèges qui en manquaient, des agrégés et des licenciés. Aucune de ces espérances n’a été déçue. C’est par centaines, nous venons de le voir, que se comptent les nouveaux agrégés et les nouveaux licenciés en exercice dans l’enseignement secondaire. C’est par centaines aussi qu’il faut chiffrer les