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Ces nouvelles familles étudiantes, nées avec tant de spontanéité et si rapidement constituées, se composent, en majeure partie, d’apprentis professeurs, de l’un et l’autre sexe. Rien d’étonnant à cette composition. Jusqu’ici aucun courant ne portait la jeunesse aux facultés des sciences et des lettres. Ceux qui voulaient pousser leurs études littéraires ou scientifiques plus loin que le lycée, allaient aux écoles spéciales, à l’École normale, à l’École polytechnique, à l’École des chartes ; les autres faisaient leur droit ou leur médecine, mais nul ne s’avisait qu’on pût faire également ses lettres ou ses sciences. Toute tentative pour dériver vers les facultés des lettres ou des sciences une partie de l’alluvion qui se portait chaque année aux écoles spéciales et aux facultés de droit et de médecine était condamnée d’avance. Il fallait donc faire de ces facultés des écoles spéciales et professionnelles à leur manière, et y appeler d’abord ceux dont ce sera le métier d’enseigner les lettres et les sciences. On ne pouvait d’ailleurs trouver pour elles meilleurs élèves et plus laborieux. Mais on espérait bien qu’ils ne seraient pas longtemps les seuls, et qu’ils ne tarderaient pas à en attirer d’autres, de ceux qui étudient pour étudier, sans aucun souci de carrière. Là encore on ne s’était pas trompé, et dans quelques facultés, sinon dans toutes, à la couche primitive des étudians professionnels s’est ajoutée celle des étudians libres, qui ne visent pas aux fonctions de l’enseignement. Parmi les 1,000 élèves de la Faculté des lettres de Paris, en 1888, ils étaient 300 de cette sorte.

Il est sorti de cette renaissance autant d’effets qu’on en pouvait attendre, d’abord ce bénéfice diffus que tire toujours un pays d’une extension nouvelle des hautes études ; puis, pour nos collèges et nos lycées, plus de licenciés, plus d’agrégés que par le passé ; enfin une intensité plus grande du travail scientifique.

Il n’y avait en 1875 que 575 licenciés dans nos collèges communaux et 802 agrégés dans nos lycées. La plupart des classes étaient faites ici par des bacheliers, là par des licenciés. Les collèges ont aujourd’hui 1,150 licenciés, et les lycées 1,450 agrégés. A l’exception des élèves de l’Ecole normale, ils sont venus en ligne directe des facultés. A mesure que s’y accroissait le nombre des élèves, s’y accroissait aussi le nombre des grades. Elles n’avaient reçu de 1868 à 1878 que 1,108 licenciés es sciences et 1,318 licenciés es lettres ; de 1879 à 1888 elles en ont produit 2, 970 dans les sciences et 2,412 dans les lettres[1]. En même temps elles ont

  1. Pour s’expliquer comment le chiffre des licenciés os sciences est supérieur à celui des licenciés ès lettres, il faut savoir que, dans les facultés des sciences, la plupart des candidats prennent successivement deux licences : la licence mathématique et la licence physique, ou la licence physique et la licence ès sciences naturelles, suivant l’ordre d’agrégation auquel ils se destinent.