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garanties, et, dans les facultés, de grades purement académiques et savans, relevant des facultés seules et laissant à la science toute liberté d’essor et de direction.

On s’était demandé, en 1870, au moment où s’agitaient les problèmes qui se rattachent à la liberté de l’enseignement supérieur, si là n’était pas la solution du plus épineux de tous : la conciliation des droits de l’État et de la liberté même de l’enseignement et de la science. Mais on avait reculé devant la perturbation qu’on en redoutait dans nos mœurs publiques et devant la crainte d’enlever à l’État une de ses prérogatives essentielles. A plus forte raison devait-on se trouver arrêté par les mêmes scrupules et par d’autres encore, une fois qu’eut été proclamée la liberté de l’enseignement supérieur. Mais du moins si l’on maintenait aux facultés la charge de conférer, au nom de l’État, des grades professionnels, fallait-il alléger le poids dont ils avaient pesé sur elles et relâcher les contraintes qu’ils leur avaient imposées. Pour cela, il n’y avait qu’un moyen : mettre dans les grades plus de science que par le passé. C’est ce qu’on fit partout où il sembla nécessaire. Peut-être cette transfusion n’a-t-elle été ni assez complète ni assez hardie ; mais comme elle a réussi, nul doute qu’on ne soit encouragé à la renouveler le jour où elle paraîtrait de nouveau nécessaire.

C’est par la médecine que l’on commença. Nulle part la discordance entre les programmes d’études et d’examens et l’état de la science n’était plus sensible. On en était toujours aux règlemens de la Révolution et du Consulat. Rien de meilleur, pour le temps où ils parurent, que ces règlemens. Par eux s’était accomplie une révolution radicale et féconde dans cet ordre d’enseignement. A la tradition, à l’empirisme, à la routine, à renseignement par le livre, ils avaient substitué la clinique et l’observation. Mais depuis lors, dans la science, à l’observation avait succédé l’expérience. Peu à peu le champ de la médecine s’était élargi ; peu à peu ses procédés d’investigation s’étaient transformés ; peu à peu s’étaient infiltrées en elle des sciences qui d’abord paraissaient sans rapport avec elle, et une révolution totale s’y était achevée le jour où, à la suite de travaux mémorables, Claude Bernard avait formulé ces conclusions : La médecine, pour être une science positive, doit devenir une science expérimentale. Il ne suffit pas qu’elle établisse, par l’observation, les caractères des phénomènes morbides ; il faut qu’elle en détermine, par l’expérience, les raisons et les lois. Il ne suffit pas qu’elle constate empiriquement l’action des médicamens ; il faut qu’elle l’explique rationnellement, comme fait la chimie des phénomènes chimiques, comme fait la physique des phénomènes physiques.