Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 97.djvu/870

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ordre. À la direction de l’enseignement supérieur, entre les années 1879 et 1884, elles en rendirent d’uniques. Albert Dumont fut de tout point l’homme de l’œuvre à laquelle il se trouva préposé, et son nom en est inséparable.

Cette vie nouvelle des facultés dont nous allons essayer de tracer à larges traits les phases principales ne s’est pas manifestée et ne pouvait se manifester partout par des signes et par des effets identiques. Rien de plus dissemblable, il y a vingt ans, que nos divers ordres de facultés, le droit, la médecine, les sciences et les lettres. Chacun avait ses origines propres et gardait ses affinités particulières, le droit avec le barreau et la magistrature, la médecine avec l’Assistance publique, les lettres et les sciences avec l’ancienne Université et l’École normale. Par suite, chacun avait sa conception spéciale de l’enseignement supérieur, ses habitudes, ses traditions, ses idées, ses préjugés. Il ne s’agissait pas d’effacer entre eux toute différence, il en est d’essentielles et qui doivent subsister, mais de leur inspirer à tous sur le rôle et la fonction de l’enseignement supérieur, une pensée commune, assez large pour comprendre toutes les variétés nécessaires, assez haute pour les dominer toutes, et de faire de chaque faculté prise à part une véritable école de haut enseignement, au sens plein du mot, et de chaque groupe de facultés un corps pénétré du même esprit, vivant tout entier pour la science.

Le point de départ fut et ne pouvait être qu’une réforme des programmes. L’idéal, pour l’enseignement supérieur, serait l’absence de tout programme officiel. On ne canalise pas la science en des règlemens ; elle surgit où elle veut ; elle va où elle veut, par les chemins qu’elle veut ; qui veut la suivre la suit. En France, cet idéal semblerait encore aujourd’hui une chimère dangereuse. Cela tient à l’idée qu’on se fit à l’origine du but des facultés. Créées dans un dessein plus pratique que scientifique, on leur assigna une double destination d’inégale importance, l’une sociale, l’autre savante ; d’abord et avant tout, la collation des grades exigés par la loi pour l’exercice de certaines professions, puis, l’enseignement des sciences approfondies. Fatalement, de ces deux fins, la première devait promptement devenir la mesure de la seconde, et la science ne pouvait prétendre, sauf exception, à monter plus haut que le grade. Il n’est pas possible d’éviter que là où des grades publics sont le but des études, les programmes des examens ne soient les régulateurs de l’enseignement. Un remède héroïque et radical eût été la suppression des grades d’état et la création à leur place, hors des facultés, d’examens d’état pour l’exercice des professions auxquelles l’État croit de son devoir d’attacher des