Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 97.djvu/866

Cette page a été validée par deux contributeurs.

essaie-t-il d’y introduire des raffinemens de technique dont il doit le secret à quelque bronzier d’Egine. Ainsi, il s’efforce de donner au regard plus d’intensité et de profondeur, en appelant à son aide un procédé d’incrustation souvent employé dans les statues de métal ; il taille le globe des yeux dans une pierre cristalline et l’enchâsse dans une coque de bronze. Pour le reste, pour le type, pour la polychromie, il est encore l’élève des sculpteurs insulaires. Mais au contact des maîtres de toute origine qui affluent à Athènes, son talent s’assouplit et ses visées deviennent plus ambitieuses. Va-t-il demander aux Éginètes, ses voisins, de l’initier à la science du nu, de lui enseigner à traduire des mouvemens compliqués, comme ils excellent à le faire dans les statues des frontons bien connus ? On est tenté de le croire. Le voici, en effet, qui, parvenu à la maturité, abandonne le type convenu et monotone de la figure féminine et drapée. Il s’attaque à la figure virile et, brisant le moule étroit et rigide où ses prédécesseurs avaient comme enfermé la forme humaine, il s’attache à rendre les mouvemens les plus expressifs du corps. Ses deux Tyrannoctones sont bien vivans. Ils s’avancent hardiment, d’un pas rapide : l’un d’eux étend, comme pour se mettre en garde, son bras gauche enveloppé d’une chlamyde ; l’autre brandit sa courte épée. D’élève docile et timide, Anténor est devenu un maître, et l’école attique peut dès lors rivaliser avec celles de Sicyone et d’Égine.

Nous sommes loin d’avoir passé en revue toutes les richesses accumulées au musée de l’Acropole. À chaque pas, on découvre quelque morceau où l’atticisme a laissé sa marque. Ici, ce sont les débris d’une grande composition décorative, provenant sans doute de l’un des frontons du temple d’Athéna. Ailleurs, ce sont d’élégantes statues votives, des cavaliers, fièrement campés sur leurs chevaux aux crinières courtes et droites, striées de cannelures régulières et peintes en rouge vif. Une amazone, vêtue d’un costume collant, richement bariolé à la mode orientale, est un des plus curieux exemples qu’on puisse citer de la statuaire polychrome. Voici enfin de petites statuettes, représentant des trésoriers des richesses sacrées, qui tiennent, ouvertes sur leurs genoux, les tablettes où sont inscrits leurs comptes : à voir cette attitude hiératique, ce modelé doux, uni et simplifié, on se convainc aisément que les Attiques n’ont pas ignoré la sculpture égyptienne contemporaine de la dynastie saïte et qu’ils lui ont fait plus d’un emprunt. L’art du bronze est représenté par des pièces de maîtrise comme la belle tête virile où l’on reconnaît l’œuvre d’un artiste samien ; d’autres bronzes sont bien attiques, témoin la curieuse image d’Athéna, faite de deux plaques ajourées et découpées, où les détails sont indiqués au burin avec une délicatesse infinie.