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l’art avant les guerres médiques ; elles nous font mieux comprendre ce qu’étaient ces anciens maîtres attiques dont les textes et les monumens épigraphiques nous ont conservé les noms. Il y a plus ; les marbres de l’Acropole ne sont pas tous des œuvres anonymes, et nous avons la bonne fortune de pouvoir placer sous l’un d’eux la signature d’un sculpteur connu, Anténor. Sur la base d’une statue féminine appartenant au type que nous avons longuement décrit, on lit la dédicace suivante : « Néarchos, fils de Néarchos, a dédié à Athéna, comme prémices de ses travaux, Anténor, fils d’Eumarès, a fait[1]. » Or, nous possédions déjà une réplique de l’œuvre la plus célèbre d’Anténor ; le groupe des Tyrannoctones, conservé au musée de Naples, est une copie faite à l’époque romaine, reproduisant le groupe en bronze que les Athéniens lui commandèrent après le meurtre d’Hipparque, et consacrèrent solennellement non loin de la colline d’Arès. Après la prise d’Athènes par les Perses, Xerxès enleva, comme un trophée de victoire, l’image d’Harmodios et d’Aristogiton, à laquelle était attaché un souvenir mémorable. Les Athéniens en firent faire une copie au lendemain de Salamine, et c’est seulement grâce à l’amitié de Séleucus, fils d’Antiochus, qu’ils rentrèrent en possession de l’original. Le groupe des Tyrannoctones, exécuté après 514, est une œuvre de la maturité d’Anténor. La statue de l’Acropole, à en juger par les caractères de l’inscription, doit, au contraire, être reportée au temps de sa jeunesse, entre les années 540 et 530. Nous pouvons donc apprécier l’évolution qui s’accomplit dans son talent, et nous savons, par un exemple précis, comment se forme un sculpteur de l’ancienne école attique. La question mérite qu’on s’y arrête un instant.

Au dire de Pline, le père d’Anténor, Eumarès, est un peintre. C’est sans doute un de ces décorateurs naïfs et consciencieux dont toute la science se borne à retracer, sur les murailles d’un temple, de longues zones de personnages à l’attitude rigide et monotone. Les anciens vases attiques, comme le vase François, nous donnent une idée exacte de ce que peut être la peinture murale dans la première moitié du vie siècle. Son fils, Anténor, a pour maîtres les sculpteurs appelés par Pisistrate. Contemporain plus jeune d’Aristion de Paros et d’Archermos de Chio, il se forme à l’école des sculpteurs des îles ; il apprend d’eux à traiter ce type de la femme drapée qu’ils ont vulgarisé en Attique. L’ex-voto qu’il exécute pour l’Acropole est inspiré par un modèle qu’on retrouve dans les îles de l’Archipel et dont les fouilles de Délos nous ont livré d’importans spécimens. Tout au plus

  1. Robert, Hermès, 1887, p. 129. — Studniczka, Jahrbuch, des arch. Instituts, II, 1887, p. 142-144.