Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 97.djvu/850

Cette page a été validée par deux contributeurs.

remonte sur le char qui a amené le héros, et un énorme crabe s’avance vers le lieu du combat. L’autre fronton reproduit la lutte contre Triton. Tandis que dans les sculptures en tuf connues jusqu’ici, dans les métopes de Sélinonte par exemple, le fond seul est entièrement peint, dans les frontons en relief de l’Acropole, l’artiste a adopté un parti tout contraire. Il a conservé au fond sa couleur naturelle, une sorte de jaune pâle, tirant sur le brun ; les chairs des personnages sont peintes en rouge clair, et les accessoires, comme les rênes des chevaux, les jantes des roues, sont rehaussés d’un ton noir ou rouge. Ainsi colorié, le bas-relief s’enlève en sombre sur un fond clair, et l’effet produit rappelle, avec moins de vigueur, celui des figures noires peintes sur les vases d’ancien style grec. L’analogie est même assez frappante pour que M. P.-J. Meier propose d’attribuer le bas-relief à quelque artiste originaire de Chalcis, c’est-à-dire d’une ville où la céramique était florissante, et qui a exercé sur l’industrie attique à ses débuts une puissante influence[1].

On ne conteste plus, depuis des années, l’usage de la polychromie dans la statuaire grecque. Mais les documens faisaient défaut pour nous apprendre dans quelle mesure elle était appliquée, et quelle était l’origine de cette pratique. Nous savons aujourd’hui que la polychromie s’explique d’une part par l’imitation de l’Orient, et de l’autre par la nature des matériaux que mettaient en œuvre les sculpteurs grecs primitifs. Il est bien probable que les anciennes statues de bois étaient peintes de couleurs vives. Lorsque le travail du bois fait place à celui de la pierre, la peinture doit encore suppléer à l’inexpérience du ciseau de l’artiste ; c’est elle qui donne à l’œuvre son dernier fini, en même temps qu’elle dissimule les imperfections de travail inhérentes à la matière employée. Le tuf, avec son grain un peu gros, n’a ni le poli ni la délicatesse d’épiderme du marbre ; l’emploi de la peinture est une nécessité technique. À vrai dire, les sculpteurs subissent, comme les architectes, les exigences des matériaux qu’ils mettent en œuvre, et il est curieux de constater que, dans ces deux branches de l’art, la polychromie suit un développement parallèle. On sait que, pendant toute la période archaïque, les architectes grecs ont recouvert les parties hautes des temples de revêtemens de terre cuite richement polychromes ; les temples de la Sicile et de la Grande-Grèce, les trésors des villes grecques à Olympie, nous ont fourni des exemples remarquables de ce genre de décoration, qui s’allie souvent à l’usage de la peinture appliquée sur le stuc dont la pierre calcaire est revêtue. Un monument grec archaïque ne se comprend pas

  1. Mittheilungen des arch. Instituts in Athen, 1885, p. 237 et suiv.