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Comment expliquer cette polychromie de pure convention, et cet emploi de couleurs contraire à toute réalité ? Faut-il admettre que, sous la lumière du soleil, les bleus jouaient le rôle des noirs ? Les peintres avaient-ils calculé d’avance des harmonies de tons dont l’effet ne pouvait être complet qu’après la mise en place de figures dans le tympan du fronton ? Ou bien devons-nous simplement reconnaître ici un emprunt fait aux arts de l’Orient ? Cette dernière hypothèse nous paraît la plus vraisemblable. Qu’on se rappelle les terres vernissées de l’Assyrie où les parties nues, comme le costume, sont revêtues d’une couleur bleue[1] ; qu’on songe encore, comme le rappelait justement M. E. Pottier[2], aux figures égyptiennes du temple d’Ipsamboul, aux Ammons bleus, aux Osiris verts, aux images royales dont les chairs étaient peintes en bleu, « Cette couleur, écrit M. Perrot, ne vise pas, comme la couleur du peintre moderne, à donner l’illusion de la vie ; elle sert au décorateur, d’une part, à satisfaire ce goût inné pour la polychromie que nous avons expliqué par l’intensité de la lumière méridionale, et d’autre part, à relever l’effet de ces figures qui, peintes de tons vifs, se détachent mieux ainsi sur la blancheur du fond[3]. » On peut appliquer ces réflexions aux sculptures de l’Acropole. L’ancien art grec se rattache par les liens les plus étroits à celui de l’Orient ; il n’a pas borné ses emprunts aux formes matérielles ; il a pris encore à ses modèles le goût de la polychromie brillante et vive, et il a subi, avec une grande intensité, l’influence de cette plastique orientale qui ne sépare pas la forme de la couleur.

Une autre série de sculptures en tuf achève de démontrer à quel point la polychromie de la statuaire, grecque primitive est conventionnelle. Il s’agit de deux autres frontons, trouvés dans les fouilles de 1882, au nord-est du Parthénon[4] et exécutés cette fois non plus en haut relief, mais avec un relief assez plat et peu ressenti. Ces frontons, composés chacun de six plaques de tuf, appartenaient sans doute à un sanctuaire d’Héraclès, le héros cher à l’Attique, et dont le culte était très populaire à Athènes avant que celui de Thésée vînt l’y supplanter. Comme dans les grands frontons que nous avons signalés, les exploits d’Héraclès ont fourni le thème traité par l’artiste. Ici, c’est le héros combattant contre l’hydre de Lerne, dont les têtes multiples et le corps enroulé sur lui-même occupent toute la partie droite du tympan ; à gauche, Iolaos

  1. Voir les exemples cités par M. Heuzey, Catalogue des figurines antiques de terre cuite du Louvre, p. 22.
  2. Revue archéologique, 1889. t. XIII, p. 31-37.
  3. Histoire de l’Art dans l’antiquité, t. I, p. 788.
  4. Ephéméris archéologique, 1883, pl. 7. Mittheilungen des arch. Instituts in Athen, 1885, pl. X, p. 238. 1886, p. 61 et suiv.