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chaque façade, était bâti en pierre calcaire du Pirée, recouverte d’un stuc très fin. Seuls, les métopes, les corniches, l’encadrement des frontons et les tuiles du toit étaient en marbre blanc à gros grain. Cet emploi simultané du marbre et du tuf ne laisse aucun doute sur la date du temple : c’est bien la technique du xie siècle siècle. Les soubassemens permettent de déchiffrer très nettement le plan adopté par les architectes de Pisistrate[1] : on distingue la cella, les deux chambres servant de dépôt pour les objets précieux et les offrandes, l’opisthodome ou chambre postérieure. Mais ces arasemens, avec quelques membres d’architecture, sont tout ce qui a échappé aux ravages des Perses de Xerxès. Lorsque, au mois de Boedromion de l’année 480, les Perses forcèrent l’entrée de l’Acropole, où s’étaient barricadés quelques Athéniens, avec les trésoriers des richesses sacrées et la population indigente, le temple de Pisistrate partagea le sort des autres édifices de l’Acropole ; il fut pillé et incendié. Quelques fragmens trouvés dans les fouilles portent encore la trace des flammes allumées par les soldats de Xerxès et qui, au dire d’Hérodote, calcinèrent jusqu’aux murailles de la citadelle.

Rentrés dans leur ville, les Athéniens trouvèrent l’Acropole dévastée, les temples en ruines, les statues gisant mutilées sur le sol. Il fallut tout reconstruire. Le sanctuaire d’Athéna fut-il réédifié ? C’est là une question qui a soulevé de longues controverses. Le savant allemand à qui l’on doit une restauration du temple, M. Doerpfeld, affirme énergiquement que les Athéniens durent le rebâtir sans tarder : le Parthénon ne fut terminé que quarante ans plus tard ; or, dans cet intervalle, où aurait-on conservé le trésor de la cité, sans parler des offrandes précieuses accumulées par la piété des fidèles ? Seulement, au dire de M. Doerpfeld, on réduisit les proportions de l’édifice en supprimant la colonnade qui régnait tout autour, et ainsi, lorsque commença la construction de l’Érechthéion actuel, on put sans scrupule engager dans les fondations du nouveau monument le stylobate devenu inutile de l’ancien temple d’Athéna. M. Doerpfeld va plus loin encore ; il affirme que le vieux sanctuaire, relevé de ses ruines après les guerres médiques, survécut à l’achèvement du Parthénon, qui devait le remplacer, et qu’à l’époque romaine le voyageur grec Pausanias le vit encore debout[2]. Il nous faudrait donc modifier toutes nos idées sur l’Acropole et nous imaginer le temple du vie siècle siècle, dépouillé de

  1. Voir le plan dressé par M. Doerpfeld, Antike Denkmaeler herausgegeben vom kais, deutschen arch. Institut, I, pl. 25-24. — Voir A. Boetticher, Die Akropolis von Athen, 1888. p. 61 et suiv.
  2. M. Doerpfeld a exposé ces vues dans une série d’articles : Der Alte Athena-Tempel auf der Akropolis (Mittheilungen des arch. Instituts in Athen, 1887).