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l’Espagne interviendrait à son tour pour ajouter quelques douceurs au prix convenu. — « L’affaire de Dresde est une bonne affaire dans les circonstances présentes, écrivait Louis XV lui-même, en apprenant que les signatures étaient données. Je ne suis pas surpris que le maréchal de Saxe ait été un peu vite en promesses pour nous, car il avait une fameuse crainte des Saxons en Flandre : ce qui est assez juste pour lui[1]. »

Moyennant ce succès diplomatique qui dégageait pour quelque temps au moins la situation du côté de l’Allemagne, Maurice obtint l’adoption du plan de campagne dont il avait tracé lui-même les grandes lignes dès le commencement de l’hiver. Il fut convenu que l’armée du Rhin, au lieu de stationner en face du Palatinat et des évêchés ecclésiastiques, se rapprocherait des Pays-Bas, et manœuvrerait dans le Hainaut, de manière à être en mesure, tout à la fois, de combiner ses opérations avec celles de l’armée royale et de se porter rapidement à la frontière française si elle venait par hasard à être menacée. La conséquence naturelle de ce changement de direction eût été de fondre les deux armées en une seule, placée sous le commandement d’un seul chef, puisque, sauf une éventualité peu probable, elles devaient agir sur des théâtres si rapprochés et concourir au même but. On n’osa pas aller jusque-là : c’eût été retirer tout commandement au prince de Conti, ou le réduire à une situation subordonnée. Les armées durent rester distinctes et confiées à des généraux indépendans l’un de l’autre à qui on fit seulement la recommandation de s’entendre. Cette disposition vicieuse, dont les inconvéniens n’allaient pas tarder à éclater, fut la concession faite à la reconnaissance que la marquise de Pompadour devait à la mère du prince. On saisit donc ici le premier effet sensible de cette nouvelle influence féminine, qui allait bientôt devenir souveraine et s’exercer d’une façon si déplorable pendant toute la durée du règne. Il est temps dès lors de dire quelques mots de la personne même qui devait jouir de ce triste crédit, puisque le récit des faits qui vont suivre nous obligera désormais souvent à nous occuper d’elle.


Duc DE BROGLIE.

  1. Correspondance de d’Argenson et de Durand d’Aubigny, chargé d’affaires à Dresde après le départ de Vaulgrenant, 22 février, 1er, 2, 5, 14, 15, 22 mars 1746. (Correspondances de Saxe.) — (Journal de d’Argenson, t. V, p. 42 et suiv.) — C’est à tort que d’Argenson prétend qu’il aurait pu avoir le concours de la Saxe à meilleur compte. La Correspondance atteste, au contraire, que tout était rompu et que le ministre de Hollande obtenait un traité analogue à celui de la Bavière, si Maurice de Saxe n’était intervenu.