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vient-on d’invalider M. Etcheverry, député de Mauléon, qui a eu plus de mille voix de majorité ? L’ingérence du clergé est un prétexte commode. Au fond le vrai motif, d’après une note qui a été trouvée, c’est que, si M. Etcheverry était invalidé, son concurrent républicain aurait peut-être la chance d’être élu. — Pourquoi se perdre en subtilités ? Le vieux M. Madier de Montjau a dit le mot de toutes les invalidations : il a prétendu que tous ceux qui s’étaient associés dans les dernières années à la guerre contre la république et les républicains méritaient d’être invalidés. Voilà qui est clair ! Seulement si c’est pour se rallier à ces idées et à cette politique que les républicains tiennent des réunions plénières : si c’est ainsi qu’ils prétendent faire une majorité, il se peut qu’on ne soit pas près de voir la république s’affermir, un gouvernement se constituer et les divisions diminuer entre les partis !

Au lieu de se livrer à ces violences, qui ne font qu’envenimer les haines, mieux vaudrait certes s’attacher à des affaires qui ont pour le pays une bien autre importance que les invalidations, à des questions comme celle qui vient de provoquer la création d’une grande commission des douanes. Cette commission, nommée d’hier par la chambre, ne compte pas moins de cinquante-cinq membres. Au premier abord, elle n’aurait que la simple mission d’examiner une modeste affaire de tarifs sur les maïs et sur les raisins secs ; au fond, dans la pensée de ceux qui Pont proposée, — M. Méline, un des principaux promoteurs, ne l’a point caché, — aussi bien que dans la pensée de ceux qui l’ont plus ou moins combattue avant sa naissance, elle a une bien autre portée. Elle est destinée à concentrer tout ce qui se rattache au régime commercial du pays. Ce n’est pas que de telles questions, toutes d’affaires en apparence, ne touchent de toutes parts à la politique : mais elles échappent aux passions de parti par cela même qu’elles embrassent les intérêts les plus puissans et les plus divers, qu’elles touchent aux ressorts de la fortune de la France. A ne voir que la composition de la commission, — où les républicains, par une obstination de manie exclusive, se sont donné puérilement le tort de n’admettre que cinq conservateurs, — on ne peut se méprendre sur l’esprit qui règne, à l’heure qu’il est, dans le parlement français. Sur cinquante-cinq commissaires, il y en a trente-neuf ouvertement protectionnistes ; il n’y a que huit libéraux, parmi lesquels M. Léon Say, M. Aynard de Lyon, M. Raynal de Bordeaux, et huit commissaires représentant une opinion intermédiaire. C’est le protectionnisme qui l’emporte, c’est la préparation de la revanche contre le régime des traités de commerce, contre le libéralisme commercial.

Est-ce à dire que le protectionnisme soit prêt à entrer dans nos lois ? Ce n’est point ici évidemment un conflit de théories abstraites ; ni protectionnistes ni libéraux ne se sont montrés absolus dans les discussions préliminaires qui se sont engagées. A mesure qu’on entrera