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plus curieux du sort des « enfans de l’amour ? » Leurs mères, en général, et même leurs marraines, pour diverses raisons, les enferment volontiers sous une triple serrure, les filles,


Dans un petit couvent, loin de toute pratique ;


les garçons dans un bon collège de province ; et garçons ou filles, quand ils sont grands, ils deviennent ce qu’ils peuvent, comme les autres, comme nous tous, dans un monde où l’on ne se soucie guère aujourd’hui des origines ou des commencemens des gens. Mais enfin, de ces deux questions, puisqu’il nous les avait proposées, M. Meilhac eût dû en choisir une, lui sacrifier l’autre, ne pas les effleurer pour les quitter tour à tour, et finalement n’en résoudre aucune. C’est ce que j’ai voulu dire en disant que Margot n’est point faite. J’ajoute maintenant que peut-être n’était-elle point faisable.

En effet, le second acte, bien loin d’éclaircir les choses, les embrouille. Pour avoir entrevu le neveu de M. de Boisvillette, une seule fois, chez son oncle, Margot l’aime et n’aimera jamais que lui. D’un autre côté, François, le garde-chasse, à la voir si gentille et à se promener avec elle dans les grands bois, en est devenu passionnément amoureux. Quant à Boisvillette lui-même, en le voyant arriver, interroger Margot sur l’histoire de France, l’écouter jouer au piano le Petit Suisse et le Pays le plus beau, lui faire lire du Musset, lui en lire à son tour, — en « homme du monde, » — et lui en faire relire, nous apprenons qu’il l’aime ; et à ce coup nous croyons que son amour pour Margot fait le vrai sujet de la pièce. Mais nous nous trompons. Car, quand elle revoit le neveu de Boisvillette, quand elle découvre qu’il va se marier, et que ce n’est point avec elle, mais avec Mlle d’Arsy, le personnage artificiel que la pauvre Margot s’est composé disparaît. Elle redevient la fille de sa mère et la filleule de Mlle Carline ; elle reproche amèrement à Boisvillette, avec ses idées, d’avoir fait son malheur ; et, prenant sa course à travers le parc, où va-t-elle ? — se jeter dans la rivière, ou reprendre ses premières habitudes ? — mais elle s’en va. C’était donc à elle que nous devions nous intéresser. Décidément, c’était l’expérience que l’on tente sur elle qui faisait l’intérêt de la pièce ? Retournons-nous donc encore, et reprenons-nous à Margot. Que va-t-elle devenir, et comment sortirons-nous de là ?

D’une façon que le public et la critique ont trouvée généralement déplaisante, mais qui n’est que mal préparée. On a ramassé Margot évanouie dans le parc, précisément à quelques pas du pavillon qu’habite François, le garde-chasse. Revenue à elle et remise sur pied, plus raisonnable maintenant, Margot, puisqu’il faut faire son deuil de son amour, s’informe si François, qu’elle a repoussé, mais qui l’aime