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Alors, au plus secret de la mystique enceinte,
Tu dresseras l’autel de fer, prêtre ébloui,
L’autel de fer et d’or où ta volonté sainte
Doit célébrer ton rêve et s’adorer en lui.

Chante ! Nul n’entendra ton hymne et que t’importe ?
Chante pour toi ; ton cœur est l’écho de ton cœur !
Les déserts élargis rendront ta voix plus forte ;
Les déserts chanteront pour te répondre en chœur ;

Chante l’amour sacré qui vibre dans tes moelles !
Chante pour le bonheur de t’entendre chanter,
Chante pour l’infini, chante pour les étoiles,
Et ne demande pas aux hommes d’écouter !

Seul ! divinement seul ! — Car l’exil, c’est du rêve :
C’est le lait de la force et le pain des vertus ;
C’est l’essor idéal du songe qui s’élève,
Et le seuil retrouvé des paradis perdus.

Tu n’as qu’une patrie au monde, c’est toi-même !
Chante, pour elle, et sois ton but, et sois ton vœu !
Chante, et quand tu mourras, meurs dans l’orgueil suprême
D’avoir vécu ton âme et fait vivre ton dieu !

EDMOND HARAUCOURT.