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ils ont porté la main à leur bonnet et se sont inclinés devant la supérieure qui les a accueillis d’un sourire. Un seul s’est arrêté, a fait face et a salué avec quelque prétention ; dans le port de la tête, dans l’attitude générale du corps, il avait quelque chose de voulu et d’étudié. Je crus à un maître de danse tombé en détresse ; je me trompais. Il a vécu dans une maison royale, ou peu s’en faut ; il y a enseigné, non pas les entrechats, mais l’équitation ; des princes ont été ses élèves et sont devenus d’excellens cavaliers ; de ses fonctions passées il a conservé l’habitude des belles révérences et d’un maintien correct. Par quelle suite de hasards, par quel oubli, par quelle aventure est-il venu solliciter un refuge à Clamart ? Je ne l’ai point demandé.

Deux fois par semaine, le parloir est ouvert aux visiteurs, et les vieillards ont droit à une sortie hebdomadaire. Les cas d’ivresse sont tellement rares, les jours de congé, que l’on n’en a signalé que deux depuis que l’hospice est ouvert. On se lève à sept heures, on se couche à huit ; cette règle n’est point pour les sœurs, qui, chaque jour, hiver comme été, sont debout à quatre heures du matin ; à neuf heures du soir, tout le monde dort. Les repas, dont le menu est déterminé par la supérieure, sont au nombre de trois : le déjeuner, composé d’une soupe, de café au fait ou de chocolat ; le dîner, qui comporte une soupe, un plat de viande, un plat de légumes, du dessert, et 30 centilitres de vin ; le souper avec une soupe, un plat de viande ou d’œufs, un plat de légumes, du fromage, du laitage ou des fruits cuits ; du vin comme au dîner.

Les réfectoires sont amples ainsi que les salles où l’on peut se réunir pendant les temps froids ou pluvieux. Par les jours tièdes, les pensionnaires se tiennent de préférence dans une longue galerie vitrée qui côtoie le jardin ; les hommes et les femmes vivent séparés et peuvent s’apercevoir dans le jardin qui est suffisamment grand et profite de la verdure des parcs voisins. On m’a paru bien désœuvré dans la division des vieillards ; la femme a toujours en poche quelque tricot, quelque soutache au crochet dont elle peut se distraire ; l’homme est plus difficile à occuper ; les travaux manuels auxquels il a été accoutumé exigent en général un outillage encombrant ; où placer l’établi des menuisiers, la forge des serruriers, la cuve des dégraisseurs ? Il faudrait organiser des ateliers spéciaux, ce qui n’est point possible. Je voudrais que l’on mît à leur disposition des jeux de quilles, des jeux de boules qui, tout en les amusant, leur permettraient d’entretenir ce qui reste d’élasticité dans les membres.

Les dortoirs offrent une excellente disposition hospitalière. On y dort en commun, et cependant chacun y est isolé. Ils