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Turenne avait raison ; c’était un fort grand siège, et toute l’histoire militaire de Valenciennes a justifié cette opinion[1].

L’Escaut, qui traverse la place du sud au nord, séparait en deux groupes les quartiers de l’armée française. Celui de Turenne, sur la rive droite, couvrait un terrain ondulé, coupé par un assez gros ruisseau, la Rhonelle ; ses lignes s’appuyaient au fleuve, vers le nord près de l’abbaye de Sainte-Sauve, au sud à environ 1,000 mètres en aval de Fontenelle, maison des filles de Cîteaux ; cette partie de la circonvallation mesurait près de deux lieues. Avec un moindre périmètre, les lignes de La Ferté s’étendaient sur la croupe accentuée qui domine Valenciennes à l’ouest et recouvre le gisement houiller auquel elle a donné son nom, le Mont-Anzin ; à ses deux extrémités, la circonvallation de la rive gauche aboutissait aussi à l’Escaut. Ce quartier, bien concentré et en partie couvert par le massif forestier de Raismes, semblait moins menacé que celui de la rive droite. Turenne en jugea autrement : profitant de la disposition des lieux, il créa, sur un contrefort du Mont-Anzin qui s’étend jusqu’à la place, une sorte de réduit solidement retranché et palissade ; mais le maréchal de La Ferté, ayant rejoint le 4 juillet, jugea la précaution superflue, sourit de la timidité de son collègue, et se hâta de faire raser cette seconde ligne. Déjà la ville était canonnée et la tranchée ouverte. Déjà aussi l’armée de secours avait pris position.

  1. En 1677, Louis XIV entra dans Valenciennes douze jours après l’investissement, on ne peut pas dire après un siège de douze jours, car les opérations furent brusquement terminées par l’inspiration de Vauban, qui voulut s’emparer de l’ouvrage couronné en plein jour, et par l’audace des mousquetaires du roi, qui transformèrent l’attaque d’un ouvrage ébranlé en un véritable assaut donné au corps de place intact. Notre illustre ingénieur compléta les défenses de cette belle conquête. Ces travaux terminés, il calculait que la place régulièrement assiégée et honorablement défendue pouvait fournir une résistance de six semaines. — Or, en 1793, attaquée par une armée de 150,000 hommes, dont 60,000 présens au corps de siège, avec 347 bouches à feu, — défendue par une garnison de 11,463 hommes, avec 172 pièces, — Valenciennes soutint un siège de trois mois et fut bombardée sans relâche par 75 batteries pendant quarante-trois jours et quarante-trois nuits. Lorsque la garnison sortit (1er août), elle était réduite à 4,597 hommes (dont 600 blessés laissés dans les hôpitaux), presque tous atteints de la gale ou du scorbut. Un grand nombre d’habitans avaient péri. Les autres sortaient de leurs souterrains, pâles, affamés, couverts de lèpres. — Il y avait eu quelques troubles inévitables dans une ville aussi populeuse et où les divisions politiques étaient profondes. Malgré les récriminations auxquelles ces incidens ont donné lieu, la résistance fut glorieuse pour les habitans, les troupes et le gouverneur. — Ferrand était lieutenant dans Normandie-infanterie, lorsqu’à l’âge de douze ans il reçut sa première blessure à Clostercamp ; à dix-huit ans, il avait obtenu le grade de capitaine et mérité la croix de Saint-Louis. Major de place à Valenciennes depuis 1775, il fut élu commandant de la garde nationale de cette ville en 1792 et nommé peu après général de brigade. Préfet de la Meuse en 1802. — Schérer reprit Valenciennes en 1794 après un mois de siège. — La place résista en 1815 aux attaques des alliés.