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décidément sur la marche de nos affaires les élections dernières, ce que feront ces deux cents députés nouveaux arrivés au Palais-Bourbon, comment on retrouvera une majorité et un gouvernement dégagés des passions de parti, uniquement occupés de ce qui est l’objet des vœux évidens du pays.

Ce qu’il y a de sûr, c’est que rien n’a été fait pour éclairer et rassurer le pays, que la courte session du mois dernier n’a été qu’un prologue confus, du temps perdu en invalidations capricieuses, et que tout est resté au même point. On le sent si bien qu’on en est encore à s’épuiser en vaines polémiques, à batailler sur ce que devraient faire le gouvernement et le parlement, sur la manière de former une majorité avec des modérés et avec des radicaux, sur ce qu’on appelle l’orientation de la politique dans une situation nouvelle. On dispute sans résultat, on sent qu’on n’est pas jusqu’ici plus avancé, que rien n’est changé, que rien ne se décide.

Il n’y a qu’une chose parfaitement visible, c’est que, si les modérés ont de la peine à se reconnaître et à se rallier, il y a une classe de républicains qui n’ont d’autre souci que de garder leurs positions, de rester maîtres de la république, de continuer à régner par les exclusions et les passions de parti, comme si rien n’était arrivé. Ils ne sont pas, si l’on veut, les plus nombreux ; ils sont au moins les plus bruyans, les plus agités, et en s’agitant ils finissent par exercer une sorte d’intimidation que les nouveaux députés et le gouvernement lui-même subissent. Ils ont été, à la vérité, un peu effrayés au moment des élections et même au lendemain des élections, en voyant se dessiner dans le pays un mouvement d’opinion si évidemment favorable à une politique de modération, d’apaisement et de raison pratique. Ils n’ont pas tardé à se rassurer dès qu’ils ont vu la possibilité de reprendre, par l’arrogance de leurs prétentions et la turbulence de leurs polémiques, un certain avantage en feignant d’identifier la cause même de la république avec les procédés de violence et les abus de pouvoirs de la politique de parti qui a régné depuis dix ans. Ces républicains ou ces radicaux d’aujourd’hui, si zélés à la défense des œuvres les plus compromettantes de la république, si rebelles à toutes les concessions, forment une étrange classe. Ils n’ont rien de nouveau : ce sont les mamelucks de tous les régimes ! Ils ont une idée bien simple. Il est entendu que pour eux et leurs amis, pour leur domination, tout est permis, que contre tout ce qui les gêne ils ont le droit de tout faire, de se servir de tout, de l’intimidation comme des faveurs, de l’administration, de la justice, — des commandans de corps d’armée eux-mêmes, dont ils prétendaient récemment faire des instrumens de leurs propagandes et de leurs calculs électoraux. Ils se servent de leur pouvoir pour défendre le suffrage universel et au besoin pour le combattre ou