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marchandises dans l’Amérique centrale et l’Amérique méridionale, dit l’un des principaux organes du Brésil, le Rio Janeiro News, il leur faut tout d’abord réduire leurs tarifs sur les laines, les cuivres et tous les autres produits de ces régions. Ils disent et répètent avec une singulière insistance qu’ils doivent avoir une influence prépondérante sur le commerce de l’Amérique entière ; pour l’obtenir, ils combinent force plans ; mais, de façon ou d’autre, ils ne vont jamais au-delà d’offres de nous vendre leurs produits et d’objections à acheter les nôtres. Leur idée du commerce paraît être de vendre contre numéraire ; ils proposent bien d’accorder des subventions aux lignes de bâtimens à vapeur, et cela à seule fin d’exporter leurs marchandises, à condition que ces bâtimens ne rapportent, comme fret de retour, que de l’or ou de l’argent. Aussi longtemps que l’Oncle Sam refusera d’acheter ce que nous avons à vendre, nous irons acheter là où nous trouvons à vendre. » Et le Republican de Springfield d’ajouter : « Voilà ce qui se dit là-bas. Évidemment, il faudra autre chose qu’un congrès où l’on fera de beaux discours sur la grandeur de notre république pour amener ces gens-là à souscrire aux singulières théories commerciales qui ont cours parmi nous. »

Il faudra autre chose aussi que les sommations impérieuses du sénateur Frye : « L’Europe n’a que faire ici, et nous devons résister à ses empiétemens. Qu’elle aille commercer en Afrique, dans l’extrême Orient, où elle voudra, mais qu’elle laisse enfin l’Amérique aux Américains. » Autre chose aussi que les déclarations de l’un des organes principaux de la presse, résumant la question en termes aussi nets que précis : « Ce que nous voulons, c’est monopoliser, si possible, le commerce de l’Amérique, non par le bon marché et la qualité de nos produits, mais en englobant le continent dans notre tarif protectionniste actuel. Nous voulons entrer dans les ports des signataires et en interdire l’accès à nos concurrens européens[1]. »

Irréalisable et chimérique sur ce point, — pour le moment du moins et dans les circonstances actuelles, — la conception de M. Blaine n’en reste pas moins réalisable et pratique sur d’autres. Telle qu’elle est, et telle qu’elle se dégagera vraisemblablement des discussions du congrès, elle reste une menace et un avertissement pour l’Europe. Ainsi l’a comprise et entendue la chambre syndicale des négocians-commissionnaires de France, qui, la première, a signalé à l’attention publique les dangers dont étaient menacés le commerce européen, et le nôtre en particulier. MM. E.

  1. Voyez le Sun de Baltimore du 29 mai 1889.