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Sous le rapport de sa faune, le Gobi constitue un domaine zoologique à part, sans que cependant le règne animal y soit riche en espèces. Dans certaines localités, notamment dans les montagnes, le long des rivières et des lacs, les animaux se trouvent souvent abondamment groupés, mais ils sont comparativement rares dans le désert même, où l’on ne rencontre que d’innombrables lézards qui viennent se glisser sous les pieds de l’homme. D’ailleurs, les oiseaux, comme les quadrupèdes du Gobi, mènent une vie nomade, étant forcés de chercher leur nourriture à des distances plus ou moins considérables. Il est vrai que, sous ce rapport, les animaux du désert sont généralement peu difficiles, surtout quant à la boisson, car quelques-uns des petits mammifères, probablement, ne boivent jamais, et se contentent soit de plantes succulentes, soit du peu de neige qui tombe quelquefois en hiver. Parmi les mammifères méritent d’être mentionnés le cheval et le chameau sauvages, ainsi que le mouton argali.

C’est dans la Dzungarie que le général Prjevalsky découvrit un représentant intéressant de la race chevaline. M. Poliakof l’a nommé equus Prevalskii ; les Kirghiz l’appellent kantag, et les Mongols tnnkè. Il n’habite que les régions les plus inhospitalières, en petits troupeaux de cinq à dix individus. En dehors de la Dzungarie, on ne le trouve nulle part, en sorte que le cheval sauvage, qui, selon les données paléontologiques, occupait jadis la majorité de l’Europe, est limité actuellement à une seule localité du désert de Gobi.

Tandis que l’existence dans l’Asie centrale d’une espèce de cheval sauvage était un fait complètement inconnu jusqu’à ce jour, déjà depuis Marco Polo on avait admis que le chameau à l’état sauvage habitait ces régions, mais aucun des auteurs qui en avaient parlé, sur l’autorité des Chinois, n’avait jamais vu cet animal, et même son existence avait été révoquée en doute par Cuvier. Ce fut encore l’éminent voyageur russe qui eut le mérite de le découvrir, d’abord dans les environs du lac Lob et puis dans le désert de la Dzungarie.

Le chameau aime les lieux sablonneux plus ou moins inaccessibles à l’homme. Son aire d’expansion est beaucoup plus étendue que celle du cheval sauvage, car, tandis que ce dernier est cantonné dans une seule localité de la Dzungarie, le chameau habite le Tarim inférieur, le lac Lob, le Khami et le désert tibétain de Zaïdam. Prjevalsky a désigné cet animal par le nom de camelus bactrianus feras. C’est une curieuse variété du chameau bactrien (à deux bosses), le seul que possède le Gobi.

A l’époque des fortes chaleurs, le chameau sauvage du lac Lob