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température qui, pendant les jours sereins, s’observe suivant l’orientation des objets, selon qu’ils sont exposés au soleil ou à l’ombre. L’action de ces deux facteurs est plus prononcée en automne, et c’est pour cela que, dans le Gobi, l’automne est la saison des orages. Ces orages remplissent l’atmosphère de nuages de sable très ténu, qui, en se déposant dans les vallées closes, forment, avec le temps, des dépôts de loess.


II

On conçoit aisément que les conditions climatologiques et topographiques que je viens de signaler doivent être éminemment défavorables à la végétation. L’action de ses ennemis les plus dangereux, — la sécheresse excessive, les extrêmes thermiques, les orages et les substances salines du sol, — explique tout à la fois la pauvreté et l’uniformité de la flore du Gobi.

Ce sont les régions frontières du nord, de l’est et du sud-est qui possèdent les terrains les plus productifs, car on y voit çà et là d’excellens pâturages. Dans le désert même, la végétation la plus riche se trouve sur le sol composé de loess argileux, tandis que les bords humides des marais salans et les steppes à galets sont complètement arides.

Le trait caractéristique de la flore du désert et des steppes du Gobi, c’est l’absence des arbres et du gazon des prés. Les arbres, à ce qu’il paraît, ne peuvent supporter la sécheresse et les contrastes thermiques ; quant au gazon, étant le produit de l’humidité et de la putréfaction des végétaux herbacés précédens, il ne saurait s’accommoder ni du sol de loess, ni du climat sec de la contrée ; c’est pourquoi toute la végétation herbacée du Gobi, même dans les régions les plus favorisées, se présente en taches isolées, dissimulant à peine le fond jaunâtre ou rougeâtre du sol.

D’autre part, malgré l’uniformité apparente des conditions physiques, les différentes parties du désert n’en possèdent pas moins des formes spéciales, exclusivement locales. Ainsi, le Halimodendron argenteum, si abondant dans le bassin du Tarim, ne se rencontre pas dans la région orientale du Gobi ; en revanche, on ne voit pas dans le bassin du Tarim le fameux Saxaul, arbrisseau fort original, propre à toute l’Asie intérieure, depuis la Caspienne jusqu’à la Chine ; de même, deux espèces de Pugonium appartiennent exclusivement aux sables des contrées d’Ordos et d’Alaschan ; enfin, le tamarix fait défaut à cette dernière, ainsi qu’au Gobi central et septentrional, mais abonde sur le Tarim et dans l’Ordos.