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Voilà ce qu’on trouve, avec beaucoup d’autres choses, dans les cinq premiers livres de la Cité de Dieu. Comme saint Augustin y traitait une question dont tout le monde alors s’entretenait, le succès de ce début lut très grand. « J’ai lu vos livres tout d’un trait, lui écrivait un grand personnage, Macédonius, vicaire d’Afrique. Ce ne sont pas de ces œuvres languissantes qui permettent qu’on les quitte. Les ignorans eux-mêmes, quand une fois ils en ont commencé la lecture, sont forcés d’aller jusqu’au bout, et, lorsqu’ils ont fini, ils recommencent. » Orose va plus loin dans son admiration, et les compare à l’éclat du soleil levant : « Dès que ces rayons de lumière, dit-il, ont brillé du côté de l’Orient, tout l’univers en a été inondé. »


IV

Saint Augustin avait eu l’occasion, dans ses premiers livres, de maltraiter souvent le paganisme. Il trouva pourtant qu’il ne lui avait pas porté d’assez rudes coups et qu’il restait quelque chose à faire. Il reprit la polémique engagée et y consacra les cinq livres qui suivent. Ces cinq livres sont le dernier acte d’une grande lutte qui durait depuis trois siècles, et où s’étaient illustrés tant d’apologistes. C’est la dernière fois que l’Église a cru devoir attaquer l’ancienne religion dans un ouvrage important et spécial. Après la Cité de Dieu, on jugea le combat terminé et la victoire définitive.

Saint Augustin avait encore vu, pendant sa jeunesse, le paganisme dans tout son éclat. Il raconte que, lorsqu’il vint à Carthage, pour étudier la rhétorique, il assistait aux jeux donnés en l’honneur de la déesse céleste, il suivait les processions de la mère des dieux, où les galles, la figure fardée, les cheveux humides de parfums, parcouraient les rues et les places avec des attitudes de femmes et en chantant des chansons obscènes ; et il ajoute que, comme il était alors d’une conduite fort dissipée, il y prenait un grand plaisir. Ce sont les dernières fêtes que les païens aient célébrées. Peu de temps après, les lois de Théodose supprimèrent les manifestations extérieures de leur culte, puis finirent par le poursuivre jusque dans l’intérieur des familles, où il se croyait en sûreté. Ces lois furent appliquées, en Afrique, d’abord avec une modération qui mit quelquefois les chrétiens du pays d’assez mauvaise humeur[1], plus tard dans toute leur sévérité. Le 14 après les calendes d’avril, sous le consulat de Mallius Theodorus, en 399,

  1. Les traces de ce mécontentement se retrouvent dans les sermons de saint Augustin. On le voit souvent lutter contre l’impatience des fidèles qui demandaient qu’on fermât les temples, qu’on fit cesser les sacrifices, qu’on renversât les idoles. Il le souhaitait autant qu’eux, mais il voulait qu’on attendît les ordres de l’autorité.