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botaniques tropicaux sont-ils entrés dans une nouvelle phase, dans laquelle ils exerceront une grande influence sur le développement de la botanique ? La réponse est aussi simple que brève : c’est parce qu’ils deviennent « stations botaniques » à l’instar des « stations zoologiques » des côtes en Europe. Quiconque s’intéresse aux sciences naturelles ne peut manquer de savoir que la zoologie doit une grande partie de son essor actuel à ces stations littorales. Quelque hasardé que cela paraisse, on peut prédire que les jardins botaniques tropicaux seront, dans l’avenir, d’une plus grande importance encore pour l’avancement de la botanique. Il faut que pour cela ils soient grands et bien situés, comme celui de Buitenzorg et celui de Peradeniya, où l’on vient d’imiter l’exemple donné en instituant un laboratoire réservé aux visiteurs.

Pour que ce pronostic se réalise, il faut encore deux choses : d’abord, que les botanistes suivent l’exemple donné par leurs collègues les zoologues et qu’ils deviennent un peu moins casaniers ; ensuite, que l’on se fasse des notions un peu plus justes sur les « périls » auxquels on s’expose dans un voyage sur mer et notamment sur les « dangers » que l’on affronte en allant visiter un pays tropical. Écueils, ouragans, naufrages, d’une part ; maladies pernicieuses, fauves, serpens et autre engeance venimeuse, de l’autre ; ce sont autant de fantômes qui hantent les imaginations craintives et les esprits prévenus. Quiconque connaît les grands steamers qui font le voyage vers la mer des Indes sait que les périls et les inconvéniens auxquels on se croit exposé à bord de ces navires, bien aménagés et offrant beaucoup de confortable, ont très peu de réalité. Trois ou quatre semaines de dolce far niente, passées à bord d’un grand mail-steamer, pendant lesquelles on hume l’excellent air frais de la mer, sont profitables à la santé. Il est vrai qu’il y a des momens où l’on s’ennuie, momens où l’on constate une certaine monotonie dans les distractions offertes par les poissons volans et les marsouins. Mais, en revanche, que d’excellens souvenirs ne conserve-t-on pas des journées passées à bord ! L’appréhension la moins fondée, celle des dangers à encourir en allant passer quelques mois dans un pays tropical, est encore la plus difficile à dissiper. Les opinions fausses à cet égard, que l’on retrouve dans tous les pays, ont une singulière ténacité. Pour peu qu’on aille dans un endroit sain et civilisé, un séjour de quelques mois dans un pays tropical ne présente pas le moindre danger. Au contraire, pour beaucoup de constitutions, l’automne et l’hiver de l’Europe sont loin de valoir le climat des tropiques. Certes, celui-ci peut avoir un effet nuisible sur la santé ; mais cet effet ne se fait sentir qu’à la longue.