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transférés dans une maison spéciale, cédée à cet effet par le gouvernement ; nouvelle preuve de la sollicitude que le gouvernement des Indes néerlandaises et celui de la mère-patrie ne cessent de témoigner au jardin de Buitenzorg.


II

D’après quels principes et de quelle façon fonctionne l’organisation que nous venons de décrire ? Quels sont les avantages propres aux grands jardins botaniques tropicaux, et pourquoi y a-t-il lieu de leur assigner dans l’avenir une grande influence sur le développement de la botanique ? Avant de répondre à ces questions, il s’agit de s’entendre sur un point essentiel, savoir la différence qui existe, quant à la répartition de l’étude des sciences et de celle de leurs applications, entre l’Europe et l’Amérique, d’une part, et une colonie tropicale, de l’autre. Lorsque, chez les peuples européens, les sciences prirent le merveilleux essor qui caractérise notre siècle, une différenciation ne tarda pas à s’établir. Les études et les investigations purement scientiiiques restèrent attachées, comme auparavant, plus ou moins directement, aux universités et aux facultés, en un mot, à l’enseignement supérieur proprement dit. Mais en même temps les remarquables applications qu’amenèrent les progrès de la science nécessitèrent la création d’institutions spéciales : écoles polytechniques, laboratoires techniques, jardins d’essais, stations agronomiques, etc. L’une et l’autre de ces deux branches devenues sœurs, la science et l’application, réclament également des travailleurs infatigables, doués de méthode autant que d’intelligence. Elles restent, tout en ayant un objectif différent, en rapport et en contact continuels ; cependant la spécialisation existe, et il est à prévoir qu’elle s’accentuera toujours plus. Il en est, ou il en sera, de même pour les colonies où les conditions de climat permettent à l’Européen de se fixer à demeure. Mais il n’en est pas ainsi pour les colonies européennes dans les pays tropicaux. Ici les colons ne viennent nullement pour s’y fixer à tout jamais ; au contraire, dès leur arrivée dans le pays lointain, quelque beau et fertile qu’il soit, ils ont la ferme intention de reprendre le chemin de la mère patrie. Pour la grande majorité d’entre eux, la position sociale ou la fortune voulues une fois acquises, on s’empresse de regagner le sol natal ; quitte à s’apercevoir ensuite que les souvenirs de l’enfance et de l’adolescence sont souvent trompeurs, et que le climat et l’organisation sociale, en Europe, sont loin de réaliser l’idéal qu’on s’en était fait