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fortes pluies ne sont pas rares, conviendrait beaucoup moins à un jardin botanique que celui de Builenzorg, où l’on se plaint déjà lorsque, au milieu de la saison sèche, il cesse de pleuvoir pendant trois semaines consécutives. Ces fréquentes et fortes pluies ont un double avantage pour le jardin : d’abord, Buitenzorg leur est redevable de sa végétation toujours luxuriante, ne s’arrêtant pour ainsi dire jamais. Ensuite, les pluies amènent un abaissement de la température moyenne, qui rend possible la culture de beaucoup de plantes de la forêt vierge des montagnes, bien que Buitenzorg ne se trouve qu’à une altitude de 280 mètres. Pour donner une idée de la masse d’eau qui se déverse annuellement sur le Sans-Souci[1] de Java, il suffira de dire qu’en moyenne il tombe, à Buitenzorg, 4,680 millimètres de pluie par an, tandis qu’en Hollande, un des pays les plus pluvieux de l’Europe, il n’en tombe par an que 660 millimètres. Aucun plan ne fut d’abord arrêté. Les archives ne contiennent d’indication d’aucune sorte sur l’aménagement primitif du jardin. On sait seulement que son fondateur, Reinwardt, profita des nombreux voyages qu’il fit pour expédier des plantes à Buitenzorg. Toutefois, le premier catalogue du « Jardin botanique de l’état, » nom officiellement adopté, publié quelques mois après le départ de Reinwardt, se borne à une énumération de 912 espèces de plantes. Reinwardt retourna en Europe en juin 1822 pour aller occuper une chaire à l’université de Leyde. Sur sa proposition, le gouvernement plaça à la tête du jardin le docteur C. -L. Blume, le premier directeur de l’Hortus Bogoriensis[2], botaniste hors ligne, dont la renommée scientifique eut Buitenzorg pour berceau. Blume déploya une remarquable activité comme directeur du jardin ; il commença, en 1825, la publication d’un travail sur la flore des Indes néerlandaises. Avec une rapidité fiévreuse il fit paraître, dans le courant de 1825 et pendant la première partie de 1826, dix-sept fascicules, avec la description de plus de 1,200 espèces nouvelles, d’un grand nombre de genres et de plusieurs familles de plantes entièrement inconnues jusqu’à lui. Le jardin profita directement des travaux de Blume, parce que la collection de plantes vivantes s’enrichit d’une suite nombreuse de spécimens des espèces découvertes par lui. D’autre part, Blume parvint à faire attacher au jardin, outre un nombreux personnel indigène et les deux jardiniers en chef, encore un troisième jardinier européen et un dessinateur. Bref, sous tous les rapports, la

  1. La tradition littérale du mot Buitenzorg serait « hors de souci. »
  2. Hortis Bogoriensis, le nom scientifique du jardin, tire son origine de Bogor, nom indigène de Buitenzorg.