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jeunes, qui promettent le plus. De lui vraiment on peut dire qu’il promet, alors que de bien d’autres on dirait plutôt qu’ils menacent, tant ils nous font peur. De M. Vidal, nous aimions déjà certains lieder distingués : entre autres un Chant d’exil, sur des vers de Victor Hugo, trop mélodique seulement au gré de quelques jeunes décadens. La Chanson des fées, entendue à la Comédie-Française dans le Baiser, de M. Théodore de Banville, nous avait séduit encore davantage par des harmonies extrêmement heureuses, par un accompagnement d’arpèges vibrans qui mettent autour de la mélodie comme un frisson de lumière. Dans une pantomime jouée l’an dernier et qu’on va reprendre, la Révérence (scénario de M. Le Corbeiller), le jeune musicien avait montré de l’esprit ; il y avait très agréablement traité le thème populaire : Au Clair de la lune. Pour composer sa mignonne partition de Noël, M. Vidal a cherché encore parmi les thèmes populaires, ceux de Provence surtout. Il en a trouvé de fort jolis ; deux surtout : celui du prélude et celui de l’entr’acte avant le tableau des mages. Le second rappelle d’assez près le motif, provençal aussi, dont Bizet a tiré un parti étonnant dans l’Artésienne. C’est justement un peu à la manière de Bizet que M. Vidal a développé son prélude. Il commence par exposer le sujet tout seul ; puis il l’entoure, le rehausse d’harmonies ingénieuses qu’il sait assortir au sentiment intime de la mélodie. Oh ! n’ayez pas peur, la science de M. Vidal est tout aimable. Il n’a pas harmonisé, ni développé en pédant, mais en délicat, le chant doux et mélancolique dont un ingénieux contre-point accroît encore la mélancolie et la douceur. Quant au caractère légèrement archaïque de cette mélodie, il tient simplement à l’altération dans la tonalité, d’une note : la sensible. Berlioz avait déjà obtenu le même effet, et, par le même moyen, dans le prélude d’une scène très analogue : le Repos de la sainte famille, de l’Enfance du Christ. Là aussi la note sensible abaissée donne une impression de calme et de naïveté. C’est le mode dorien des Grecs, qu’on retrouve encore dans la musique d’église et dans la musique populaire, ces deux gardiennes de l’inspiration antique.

Je louerais encore, dans la partition de M. Vidal, plusieurs passages remarquables : surtout le brillant salut de l’étoile reparue aux rois mages. Le livret porte ici : musique scintillante ; il dit vrai. Tonalité, modulations, chant, tout scintille ; tout, jusqu’au simple trémolo qui semble couronner la radieuse messagère d’une auréole d’or. N’allons pas oublier les deux morceaux qui peut-être ont fait le plus d’effet, chacun en son genre : d’abord la berceuse de la Vierge, au quatrième tableau, d’une mélancolie attendrissante, et, à la fin du second tableau, la ronde de Marjolaine. Oh ! alors, le public du Petit-Théâtre ne se tenait plus de joie. J’ignore si elle est populaire, l’allègre chanson, mais elle est digne de l’être. Il faut l’entendre, entonnée par Marjolaine d’abord, puis reprise au refrain par tous ces petits personnages qui se