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de Gouda par Jacqueline de Bavière, sans doute après la victoire remportée par elle en 1425, aux environs de cette ville, et en 1428 cette princesse s’engageait gracieusement à fournir à cette corporation les 40 hérons destinés à ses exercices de tir.

Recrutées parmi les habitans notables de chaque cité, les corporations militaires venaient en aide à l’autorité, qui se déchargeait sur elles du soin de veiller à la sécurité publique. Comme dans les Flandres, elles fournissaient les gardes d’honneur pour la réception des princes et rehaussaient l’éclat des fêtes données à cette occasion. Chacune de ces sociétés avait naturellement son lieu de réunion, ou Doelen, et son champ de tir où tous les ans, au jour consacré, un concours solennel de tir était organisé. D’ordinaire, le but était un perroquet (papegai) suspendu en haut d’une longue perche, et les plus habiles tireurs obtenaient des récompenses. Les exercices terminés, on procédait à l’élection des chefs qui, avec le roi de tir, devaient administrer la corporation pendant le cours de l’année suivante ; après quoi les chefs sortans rendaient compte de leur gestion, et toute la troupe prenait ensuite place à un banquet. Les dignités de capitaine et de lieutenans étaient fort recherchées, et l’on choisissait généralement le porte-enseigne de la compagnie parmi les jeunes gens les plus riches et les mieux tournés ; aussi son costume était-il plus élégant. On comprend que la considération attachée à ces diverses fonctions était de nature à flatter l’amour-propre de ceux qui y étaient promus. Afin de perpétuer le souvenir d’un pareil honneur, les dignitaires prirent peu à peu l’habitude de se faire peindre et d’offrir leurs portraits à l’association pour orner les salles de son Doelen. Moyennant une dépense assez modérée, puisqu’elle était soldée par des cotisations réglées à l’avance entre les sociétaires et proportionnées à la fois à leurs grades respectifs, aux ressources dont ils disposaient et au talent de l’artiste, les Doelen se garnirent insensiblement de tableaux et devinrent à la longue de véritables musées. Comme toutes les villes de la Hollande ont eu leurs corporations militaires, on conçoit l’intérêt d’un genre de peintures qui dès lors était constitué et qui, lié aux destinées mêmes de la nation, va nous offrir, parallèlement aux phases diverses de son existence, l’histoire de son propre développement.

Comme nous l’avons vu pour les associations religieuses, les premiers tableaux de gardes civiques ne présentent qu’une série de portraits juxtaposés, sans aucune recherche de composition. Le plus ancien de ces tableaux que nous connaissions a été exécuté en 1527 pour un Doelen d’Amsterdam, par Dirck Jacobsz, fils d’un artiste très célèbre au XVe siècle, Cornelisz Van Oostsanen (Ryksmuseum d’Amsterdam, n° 719). Nous y voyons dix-sept