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plus le connaître, pas même les ministres étrangers, ses collègues, et d’heure en heure il pouvait voir sa maison pillée ou détruite.

Le premier acte du nouveau stathouder fut d’ordonner une levée supplémentaire de trente mille hommes, et de rappeler van Hoey, qui était encore à Versailles le représentant nominal de la République[1].

Quand la nouvelle de cette soudaine révolution arriva en France, d’Argenson en triompha dans sa retraite, rappelant qu’il avait toujours dit qu’en poussant à bout les Hollandais, on ne réussirait qu’à les exaspérer et non à les faire capituler. Il oubliait que le tout en politique est de saisir le moment opportun, et que, faite à temps, la même entreprise aurait eu probablement un résultat opposé. Quant à Puisieulx, son successeur, il affecta de n’éprouver ni surprise, ni désappointement. — « Je serais fâché, écrivait-il à Chiquet, que la République prît des partis violens : mais nous nous y attendions, et malheur aux vaincus. » — « Les Hollandais, disait Louis XV, avec un sang-froid peut-être plus naturel, sont de bonnes gens : on dit qu’ils vont nous déclarer la guerre, ils y perdront plus que nous[2]. »

A Bréda, ville hollandaise, le plénipotentiaire français ne pouvait plus rester en sûreté pour sa personne. Dutheil reçut l’ordre de rejoindre sans délai le quartier-général du maréchal de Saxe pour y attendre que la délibération pût être reprise dans un lieu où on jouirait de plus de liberté. Au fond, personne n’était fâché de trouver, pour interrompre indéfiniment une conversation si mal engagée, une raison qui ne fût pas un prétexte[3].


Duc DE BROGLIE.

  1. « J’ai toujours dit la vérité, disait le brave homme au désespoir en s’en allant ; mais les rois d’Israël disaient aux voyans : Ne nous dites pas des visions de droiture, mais des choses qui nous seront agréables, des paroles de moquerie.
  2. Journal et Mémoires de d’Argenson, t. IV. — Puisieulx à Chiquet, 3 mai 1747. (Correspondance de Hollande. — Ministère des affaires étrangères.) — Louis XV au maréchal de Noailles, 19 mai 1747. Rousset, t. II, p. 278.
  3. Puisieulx à Dutheil, 10 mai 1747. (Correspondance de Hollande, — conférences de Bréda. — Ministère des affaires étrangères.)